19ème siècle, Albert Mérat, Poèmes
Oh ! pourquoi partir sans adieux ? Pourquoi m'ôter ton doux visage, Tes lèvres chères et tes yeux Où je n'ai pas lu ce présage ? Pourquoi sans un mot de regret ? Est-ce que l'heure était venue ? Si ton cœur, hélas ! était prêt, Je ne t'aurais pas retenue. Pourquoi...
19ème siècle, Albert Mérat, Poèmes
Toujours l'extase des baisers ! Ne boire que la fleur des choses ! Les printemps sont malavisés ; Les roses ont tort d'être roses. Avoir toujours un oiseau bleu Qui vous sautille dans la tête ! Il vaut bien mieux nous dire adieu, C'est gentil et c'est très honnête....
19ème siècle, Albert Mérat, Poèmes
Pour les rêveurs, la source a toujours sa naïade Songeuse avec son cou flexible et ses yeux verts. Avec sa lèvre humide, avec ses bras ouverts Au jeune athlète lier des poussières du stade. Les bois cachent encor la cynique pléiade Des vieux faunes cornus, malhabiles...
19ème siècle, Albert Mérat, Poèmes
Tu peux bien ne pas revenir Si c’est à présent ton envie ; Mais redoute mon souvenir, Qui, malgré toi, t’aura suivie Dans les songes des nuits d’été Des étoiles étaient écloses. Ton pied cher, sans but arrêté. A perdu le chemin des roses Il n’est de loin pas de...
19ème siècle, Albert Mérat, Poèmes
Pourquoi la renier ? Je n'ai pas de colère. Ô mon amour dernier, Ô chose bleue et claire ! Pourquoi me souvenir Qu'elle me fût amère ? J'aime mieux retenir Par l'aile ma chimère. Le pardon est plus doux. Mon adieu se colore D'un regret sans courroux, D'avoir perdu...
19ème siècle, Albert Mérat, Poèmes
Médaille d'or usée où la beauté persiste, La saltimbanque au gré du public curieux Étalait, sous le clair maillot, pour tous les yeux, Des reliefs dont la ligne eût séduit un artiste. La jupe pailletée avait la couleur triste Du linge qui se fane et que l'air a fait...
19ème siècle, Albert Mérat, Poèmes
Comme elle était si jeune et qu'elle était si blonde, Comme elle avait la peau si blanche et l'œil si noir, Je me laissai mener, docile, par l'espoir D'engourdir ma rancœur sur sa poitrine ronde. Son regard où dormait la volupté profonde M'attirait lentement ; et,...
19ème siècle, Albert Mérat, Poèmes
Un jour nous étions en bateau : Elle voulut manger des mûres. — Le bord, c'est presque le coteau, Avec les bois pleins de murmures. Vous savez quels soleils charmants Tombent à midi sur nos plaines. — Penchée en de fins mouvements. Toute rouge, les deux mains pleines,...
19ème siècle, Albert Mérat, Poèmes
Quand les malheureux ont l'été Et le soleil pour leur sourire, Il semble qu'un peu de gaité Vienne atténuer leur martyre. Mais l'hiver, quand il fait si froid, Malgré la force coutumière, L'espérance cède et décroît Ainsi que la douce lumière. Avant que le ciel ne...
19ème siècle, Albert Mérat, Poèmes
Le feuillage lascif et chaud brûle les ailes Des oiseaux dont le chœur éclate dans la nuit ; Le rossignol redit cent fois : les fleurs sont belles. L'oiseau qui ne sait pas de chansons fait du bruit. L'amour fait palpiter sous leurs robes nouvelles Le buisson qui...
19ème siècle, Albert Mérat, Poèmes
Quand on est heureux, on n'a pas d'histoire. On se cache, on s'aime à l'ombre, tout bas ; Rien de glorieux, pas de fait notoire ; Le monde oublié ne vous connaît pas. Si quelqu'un pourtant, avec un sourire Dit, en vous voyant fuir l'éclat du jour : « Ce sont des...
19ème siècle, Albert Mérat, Poèmes
Quand tu n'auras plus ton beau sein, Ni la douceur de ton haleine, Ni l'éclat rose et le dessin De ta joue adorable et pleine, Alors je serai presque vieux : Mon heure aussi sera passée, Mais l'âge aura mis dans mes yeux Et sur mon front plus de pensée Ton cœur sera...
19ème siècle, Albert Mérat, Poèmes
Elles seraient la nacre au bord des coquillages Si les nacres avaient ces humaines blancheurs ; Elles seraient le rose et le satin des fleurs, Si les roses vivaient aux barreaux des treillages. Il semble qu'une fée, en de lointains pillages, Ait pris leur éclat frais...
19ème siècle, Albert Mérat, Poèmes
Quand on rêve, l'on est aimé si tendrement ! L'autre nuit, tu t'en vins avec mélancolie Appuyer sur mon cœur ton visage charmant. Tu ne me disais pas : Je t'aime à la folie. Tu ne me disais rien ; et, je ne sais comment, Tes regards me parlaient une langue accomplie....
19ème siècle, Albert Mérat, Poèmes
A travers le réseau des branches que l'hiver Trace avec la vigueur des dessins à la plume, La lune, comme un feu qui dans le ciel s'allume, Montait, luisant au bord du bois couleur de fer. Tu manquais à mon bras, mignonne, et ton pied cher A qui marcher fait mal et...
19ème siècle, Albert Mérat, Poèmes
Si je n'étais pas assez bon,Vois-tu, tu devais me le dire.J'ai l'habitude du pardonComme toi celle du sourire. L'amant a dans son cœur le ciel :Mais, s'il y passe des nuées,Les heures d'amour éternelEn sont parfois diminuées. J'aurais tâché d'être meilleur,Et, sans en...
19ème siècle, Albert Mérat, Poèmes
Ô salubre et fécond engrais des trépassés ! Ferment mystérieux des sèves éternelles, Nous te composerons, pourritures charnelles, Sous les gazons plus verts pêle-mêle entassés. Quand nous aurons dormi, rigides et glacés, Dans la terre, plus près des ardentes mamelles,...
19ème siècle, Albert Mérat, Poèmes
S'il ne t'avait fallu que mon sang et ma vie, S'il ne t'avait fallu que mes nuits et mes jours, Tu sais comme j'aurais noué nos deux amours : Par le bien, par le mal, mon cœur t'aurait suivie. S'il ne t'avait fallu, pour combler ton envie, Que poser devant tous et...
19ème siècle, Albert Mérat, Poèmes
Non, tu ne m'as rien emporté ! C'est encor moi qui te possède ; J'ai gardé toute ta beauté ; A nul autre je ne te cède ! Écoute ! L'homme à qui tes bras Ouvrent le ciel de tes caresses, Quoi qu'il fasse, ne t'aura pas, Ô la plus belle des maîtresses ! J'ai mis à...
19ème siècle, Albert Mérat, Poèmes
L'azur du soir s'éteint rayé de bandes vertes. Comme hors de son lit un fleuve débordé, La lune se répand, et l'éther inondé Ruisselle, des coteaux aux plaines découvertes. Sous le voile muet de ces lueurs désertes, Nulle voix qui s'élève et nul pas attardé. Des...
19ème siècle, Albert Mérat, Poèmes
Ne leur en veuillons pas : Nos pauvres amoureuses Suivent à petits pas Des routes plus heureuses. Paris ne leur vaut rien : On y fait des folies. Elles nous aiment bien Tant qu'elles sont jolies. Que faire ? Les laisser S'enfuir à tire-d'ailes, Et puis ne pas cesser...
19ème siècle, Albert Mérat, Poèmes
Son désordre était charmant : On eût dit beaucoup de fées Dans un tourbillonnement Légères et décoiffées. Seule, elle, faisait cela ; Je riais de la voir rire. — Un jour elle s'envola : Puisse l'air bleu la conduire ! Bien souvent j'ai découvert, Tout en cherchant...
19ème siècle, Albert Mérat, Poèmes
Non, je ne te réclame rien ; Conserve de l'heure passée Tout ce que tu pris de mon bien : Mon cœur, hélas ! et ma pensée. Tu pourras en avoir besoin En ces tristes nuits sans délire Où l'on pleurerait dans un coin, Si l'on pouvait, au lieu de rire. Dans ton cœur à...
19ème siècle, Albert Mérat, Poèmes
La ville que je veux serait je ne sais où, Mais loin d'ici, dans l'Inde, ou prés d'un fleuve en Chine. L'air bleuirait sa tour de porcelaine fine, Portant comme un bouffon des clochettes au cou. La maison que je veux serait celle d'un fou, Sans chemin pour aller à la...
19ème siècle, Albert Mérat, Poèmes
Nous n'irons plus au bois, les vivres sont coupés ! Prud'homme déclarait immorale et cynique Ma longue extase aux pieds d'une maîtresse unique, Dont la grâce tenait tous mes jours occupés. Tu n'iras plus au Bois, sinon dans les coupés Des financiers ventrus au gousset...
19ème siècle, Albert Mérat, Poèmes
Ta bouche était la coupe ardente où je buvais ; Tes yeux étaient mon ciel, bleu comme l'autre, et vide. Ivre, j'avais laissé l'espérance candide Passer avec l'amour sur la route où je vais. Étant un amoureux, est-ce que je savais Comment vous nous creusez le front,...
19ème siècle, Albert Mérat, Poèmes
Nous nous rencontrerons Quelquefois par la ville, Et nous cous salûrons D'une façon civile. Un souvenir tout bas Nous parlera peut-être, Ou bien nous n'aurons pas L'air de nous reconnaître ; Chacun de son côté, Sans que l'autre s'étonne... — Les fleurs naissent l'été...
19ème siècle, Albert Mérat, Poèmes
Te souviens-tu de ce matin d'hiver, De la dernière et chère promenade ? Il faisait beau, le soleil était clair : C'était un temps d'heureux ou de malade. C'était aussi notre pays charmant, Le fleuve lent et sa rive un peu plate ; Et les coteaux qui dressent finement...
19ème siècle, Albert Mérat, Poèmes
I Les étoiles, lueur bleuâtre, Flambent au ciel limpide et froid, Ranimons la flamme dans l’âtre De notre paradis étroit. Pas de lampes, pas de bougies ; Le foyer tient lieu de flambeau. Moins lumineuses que rougies, Les choses ont un ton plus beau. Le foyer pique des...
19ème siècle, Albert Mérat, Poèmes
Voulant me croire aimé, vainqueur De mon âme triste et chagrine, Un jour que j'écoutais ton cœur Sous la rondeur de ta poitrine ; Loin que ton cœur, oiseau charmant, Semblât bondir à ma rencontre, C'était un petit battement Nerveux comme un tic-tac de montre....
19ème siècle, Albert Mérat, Poèmes
En vain ma force se roidit. C'est bien fini : je l'ai revue. Elle était gaie. On aurait dit Que je ne l'avais pas connue. Quel changement subit et grand Pourquoi suis-je resté le même ? Son beau visage indifférent Est à peine celui que j'aime, Puisse l'oubli venir...
19ème siècle, Albert Mérat, Poèmes
Petite, à son école, elle marchait à l'aide D'un bâton, tant étaient débiles ses genoux. Les enfants, qui sont durs et méchants comme nous, Riaient. Pour s'amuser ils l'appelaient : la laide. Plus tard, le mal faiblit, mais n'eut pas de remède. Elle se résigna sans...
19ème siècle, Albert Mérat, Poèmes
L'auberge était sinistre, isolée ; à la voir On eût dit une tombe au fond d'un cimetière ; Pareille au croque-mort qui recouvre une bière, La nuit l'enveloppait de son grand manteau noir. Voyageur attardé, je couchais dans l'auberge Ce soir-là. Sur mon lit étendu,...
19ème siècle, Albert Mérat, Poèmes
Le bonheur qui me dit des paroles tout bas Prend au son de ta voix ses grâces endormantes ; Afin d'avoir ma part de minutes clémentes Je veux la chaîne souple et blanche de tes bras. Je veux ta chevelure et le bruit de tes pas, Et ton souffle léger comme l'odeur des...
19ème siècle, Albert Mérat, Poèmes
Les étoiles ne me sont rien, Et je ne saurais rien leur dire. Un même éclat qui les vaut bien Fait ton regard et ton sourire. Ceux qui, niant un bien réel, Cherchent les astres sous leurs voiles, Se trompent : ce n'est pas au ciel Que sont les plus douces étoiles....
19ème siècle, Albert Mérat, Poèmes
Dans l'ovale du cadre où s'éteint la dorure, Sous le verre, l'éclat d'un pastel ancien S'amortit en des tons gris de perle. On voit bien Qu'il est vieux, et le temps lui fait une parure. C'est la mémoire encore, et ce fut la peinture D'un homme jeune et fier et d'un...
19ème siècle, Albert Mérat, Poèmes
Ses yeux, tout un printemps, éclairèrent ma vie Je marchais ébloui, la tenant par la main. Elle était le rayon, l'étoile du chemin, Et tant qu'elle a brillé sur moi, je l'ai suivie. Ainsi mes jours passaient sans but et sans envie Puis vint l'été ; ce fut un triste...
19ème siècle, Albert Mérat, Poèmes
La ligne impérieuse et fauve de la lande Change d'aspect, et forme au-dessus du flot clair Un golfe harmonieux de verdure. Dans l'air Court un parfum mêlé d'algues et de lavande. Des barques de pêcheurs semblent en longue bande Un vol silencieux de blancs oiseaux de...
19ème siècle, Albert Mérat, Poèmes
Nos coteaux, les plus purs de tous et les plus doux, Que, n'eût été la Grèce, auraient choisis les faunes, Au bas de leurs sentiers poudrés de sables jaunes Ont comme une hydre énorme éparse à leurs genoux. La Ville nous fascine, étant moins près de nous, Avec ses...
19ème siècle, Albert Mérat, Poèmes
Ouvert à la fraîcheur des roses embaumées, Le nez, suite du front classiquement étroit, Se dessine un peu grand, irréprochable et droit, Dans la convention plastique des camées. La plus belle parmi les mortes bien-aimées, Cléopâtre, la reine à qui mon rêve croit,...
19ème siècle, Albert Mérat, Poèmes
Les champs sont comme des damiers Teintés partout du blé qui lève. Avril a mis sur les pommiers Sa broderie exquise et brève. Avant que les soleils brutaux Aient fait jaunir l'herbe et la branche, C'est la gloire de nos coteaux D'avoir cette couronne blanche. Malgré...
19ème siècle, Albert Mérat, Poèmes
En plein air, sur l'estrade en planches de bois blanc, Aux sons du cuivre aigu faussant les ritournelles, Pendant que les buveurs trinquent sous les tonnelles, L'hercule fait saillir les muscles de son flanc. Ses deux bras sont croisés dans le geste indolent D'un...
19ème siècle, Albert Mérat, Poèmes
Comme un fond d'outremer de vieux maître allemand L'azur uni des flots encadre son visage ; Et parmi l'âpreté du rude paysage L'enfant épanouit son corps frêle et charmant. Le regard plein de vie, ouvert naïvement, Semble un ciel de printemps où la lumière nage ; La...
19ème siècle, Albert Mérat, Poèmes
Chère épave d'amour ! Se peut-il qu'on oublie ! Oh ! ne laissez jamais le doux être adoré, Pleurant et souriant, dire : « Je reviendrai. » Ceux-là qui s'étaient joints, l'absence les délie. Petite lettre écrite avec mélancolie Un jour qu'elle était lasse et qu'elle...
19ème siècle, Albert Mérat, Poèmes
L'eau coulait au bord des prés, Loin de nos mélancolies. — Les gazons sont diaprés. Toutes les fleurs sont jolies. Tu te souviens, les oiseaux Chantaient des épithalames, Et les tiges des roseaux Frissonnaient comme nos âmes. Nous fûmes de longs instants Sans parole...
19ème siècle, Albert Mérat, Poèmes
Hier, en vous voyant, je me suis rappelé Que j'ai fait un bouquet au temps des églantines : Des roses, des yeux bleus, des pompons de bottines... Un bouquet d'Arlequin, mince et bariolé. Hier, en vous voyant, madame, il m'a semblé Que mes petites fleurs aux frêles...
19ème siècle, Albert Mérat, Poèmes
Blanches, ayant la chair délicate des fleurs, On ne peut pas savoir que les mains sont cruelles. Pourtant l'âme se sèche et se flétrit par elles ; Elles touchent nos yeux pour en tirer des pleurs. Le lait pur et la nacre ont formé leurs couleurs ; Un peu de rose fait...
19ème siècle, Albert Mérat, Poèmes
C'est l'heure : je sais bien qu'elle ne viendra pas, Qu'elle n'a pas noué la furtive dentelle, Et que mon désir vain ne dira pas : c'est elle, Devinant la musique exquise de ses pas. Je sais que les doux mots qu'avait sa voix tout bas Ne sont qu'un souvenir d'une...
19ème siècle, Albert Mérat, Poèmes
Les reîtres à panache et les mauvais garçons, Dont le rire tintait aux vitres des auberges, Aimaient le vin nouveau pour tremper leurs flamberges. Ils avaient bonne mine et hautaines façons. Sur les verres tremblant au fracas des chansons, Les chandelles coulaient,...
19ème siècle, Albert Mérat, Poèmes
Il ne faut pas les appeler cruelles : Elles le sont tout naturellement, Comme les fleurs, quelquefois les plus belles, Dont le parfum fait qu'on meurt en dormant. Quand la fraîcheur pure de leur haleine Embaume l'air et flotte autour de nous. C'est un vertige, et la...