19ème siècle, Auguste Brizeux, Poèmes
Ô mes frères, voici le beau temps des vacances ! Le mois d'août, appelé par dix mois d'espérances ! De bien loin votre aîné ; je ne puis oublier Août et ses jeux riants ; alors, pauvre écolier, Je veux voir mon pays, notre petit domaine ; Et toujours le mois d'août au...
19ème siècle, Auguste Brizeux, Poèmes
Je crois l'entendre encor, quand, sa main, sur mon bras, Autour des verts remparts nous allions pas à pas : " Oui, quand tu pars, mon fils, oui, c'est un vide immense, Un morne et froid désert, où la nuit recommence ; Ma fidèle maison, le jardin, mes amours, Tout cela...
19ème siècle, Auguste Brizeux, Poèmes
Notre premier malheur est notre sûre épreuve. A ce coup imprévu toute âme belle et neuve Se révolte, et se plaint amèrement à Dieu D'un mal inexplicable et mérité si peu ; Mais tendre et résignée, et se sentant meilleure, Sur le malheur d'autrui cette âme rêve et...
19ème siècle, Auguste Brizeux, Poèmes
Souvent, le front baissé, l'œil hagard, sur ma route Errant à mes côtés, j'ai rencontré le doute, être capricieux, craintif, qui chaque fois Changeait de vêtements, de visage et de voix. Un jour, vieillard cynique, au front chauve, à l'œil cave, Le désespoir empreint...
19ème siècle, Auguste Brizeux, Poèmes
Quand le temps sur nos fronts efface par degré L'enfance et les reflets de cet âge doré, Arrive la jeunesse avec toute sa sève ; Et par un jet nouveau le corps monte et s'élève, Et toujours monte ainsi, jusques à son été, Au faîte radieux de sa virilité. Et la pensée...
19ème siècle, Auguste Brizeux, Poèmes
À Berthel. Avec une jeune veuve, Tendre encor, j'en ai la preuve, Parlant breton et français En causant de mille choses, Par la bruyère aux fleurs roses, Tout en causant je passais. C'était en juin, la chaleur était grande Sur le sentier qui partage la lande, Au beau...
19ème siècle, Auguste Brizeux, Poèmes
Quand on est plein de jours, gaîment on les prodigue ; Leur flot bruyant s'épanche au hasard et sans digue ; C'est une source vive et faite pour courir, Et qu'aucune chaleur ne doit jamais tarir ; Pourtant la chaleur vient, et l'eau coule plus rare ; La source baisse...
19ème siècle, Auguste Brizeux, Poèmes
J'entrais dans mes seize ans, léger de corps et d'âme, Mes cheveux entouraient mon front d'un filet d'or, Tout mon être était vierge et pourtant plein de flamme, Et vers mille bonheurs je tentais mon essor. Lors m'apparut mon ange, aimante créature ; Un beau livre...
19ème siècle, Auguste Brizeux, Poèmes
Souvent je me demande et je cherche en tout lieu Ce qu'est Dieu sans l'amour, ou bien l'amour sans Dieu. Aimer Dieu, n'est-ce pas trouver la pure flamme Qu'on crut voir dans les yeux de quelque jeune femme ? Dans cette femme aussi n'est-ce point ici-bas Chercher comme...
19ème siècle, Auguste Brizeux, Poèmes
Oh ! Ne quittez jamais, c'est moi qui vous le dis, Le devant de la porte où l'on jouait jadis, L'église où, tout enfant, et d'une voix légère, Vous chantiez à la messe auprès de votre mère ; Et la petite école où, traînant chaque pas, Vous alliez le matin, oh ! Ne la...
19ème siècle, Auguste Brizeux, Poèmes
Tout jeune homme aujourd'hui semble un vieillard aride, Et le plus jeune front déjà porte sa ride Dans ce siècle penseur, tant la réflexion Est plus prompte que l'âge à creuser son sillon ! Avec la foi naïve est morte toute flamme, Et la candeur du front avec celle de...
19ème siècle, Auguste Brizeux, Poèmes
D'étranges bruits couraient dans toute la commune. Voici : depuis deux jours un homme en veste brune, Un monsieur inconnu, son cahier à la main, S'en allait griffonnant de chemin en chemin ; Au bourg on l'avait vu, d'un coin du cimetière, Dessiner le clocher et les...
19ème siècle, Auguste Brizeux, Poèmes
Pieux servants de l'art, conservez la beauté ! De ce moule où le monde en naissant fut jeté Des types merveilleux sortirent ; le poète Comme dans un cristal dans ses chants les reflète. Par le grand ouvrier tel fut l'ordre prescrit : Il mit les éléments sous la loi...
19ème siècle, Auguste Brizeux, Poèmes
Écris-moi, mon ami, si devant ta faucille Le seigle mûr de couleuvres fourmille ; Dis-moi, brave Berthel, si les chiens altérés Errent par bande aux montagnes d'Arréz. Hélas ! durant ce mois d'ardente canicule, Tout fermente ; et partout un noir venin circule. Pour...
19ème siècle, Auguste Brizeux, Poèmes
Soit que ma pente aussi vers ce côté m'entraîne, J'ai juré de fermer mon âme à toute haine, A tout regret cuisant ; ouverte à bien jouir, De la laisser au jour libre s'épanouir ; De n'aimer d'ici-bas que les plus douces choses ; De me nourrir du beau, comme du suc des...
19ème siècle, Auguste Brizeux, Poèmes
Ô maison du Moustoir ! combien de fois la nuit, Ou quand j'erre le jour dans la foule et le bruit, Tu m'apparais ! - Je vois les toits de ton village Baignés à l'horizon dans des mers de feuillage, Une grêle fumée au-dessus, dans un champ Une femme de loin appelant...
19ème siècle, Auguste Brizeux, Poèmes
Etonnement de l'âme et des yeux, lorsqu'on entre Dans cette ville active et qu'en vain nous fuyons ! Certain orgueil nous prend, on dit : « Voici le centre, L'ardent foyer qui lance en tout lieu ses rayons. » On vivait par le cœur, on vit par la pensée ; Mais l'art et...
19ème siècle, Auguste Brizeux, Poèmes
Oui ! toujours j'enviai, Farcy, de te connaître, Toi, que si jeune encore on citait comme un maître, Cœur tendre, qui d'un souffle, hélas ! T'intimidais, Attentif à cacher l'or pur que tu gardais ! Un soir, en nous parlant de Naple et de ses grèves, Beaux pays...
19ème siècle, Auguste Brizeux, Poèmes
Comme je voyageais au fond de nos campagnes, Seul, à pied, admirant, perdu dans les montagnes, Ce pays de vallons, de rivières, de bois, De chapelles sans nombre et de petites croix, Tableau qui parle au cœur et pour les yeux varie, Tout à coup, au milieu de cette...
19ème siècle, Auguste Brizeux, Poèmes
Notre barque, depuis trois jours, Croise et lutte devant ces côtes ; Les vagues roulantes et hautes Sur les rocs nous poussent toujours. Dans l'ennui de la traversée, Alors chacun des voyageurs Se livre aux souvenirs rongeurs Que chacun porte en sa pensée. En secret,...
19ème siècle, Auguste Brizeux, Poèmes
Qui n'eut parmi ces jours, déjà bien loin peut-être, Un jour plus beau qu'eux tous, qui ne doit plus renaître, Mais qui survit dans l'âme et dont le souvenir, Délice du passé, charme aussi l'avenir : Jour d'innocente joie et pur de tout nuage, Dont une amitié douce a...
19ème siècle, Auguste Brizeux, Poèmes
A toi, riant Létâ, mes amours sont restés, Mais je vais voir le monde en ses variétés. La Sagesse m'a dit, cette muse que j'aime : « Barde, n'excluez rien du monde et de vous-même ! Il est sage, celui qui, dans de saints transports, Fait vibrer chaque idée avec tous...
19ème siècle, Auguste Brizeux, Poèmes
Dans ces calculs du sort qu'on appelle hasard, Si le bonheur obtient trop rarement sa part, S'il faut, le cœur serré, pensif et solitaire, Poursuivre avec effort sa course sur la terre, Attendant vainement qu'au détour du chemin Un ami se présente et nous serre la...
19ème siècle, Auguste Brizeux, Poèmes
Dès que la grive est éveillée, Sur cette lande encor mouillée Je viens m'asseoir Jusques au soir ; Grand'mère, de qui je me cache, Dit : « Loïc aime trop sa vache. » Oh ! Nenni-da ! Mais j'aime la petite Anna. A son tour, Anna, ma compagne, Conduit derrière la...
19ème siècle, Auguste Brizeux, Poèmes
Comme un fruit au printemps et dans sa fleur se noue, Ainsi notre âme à l'heure où le matin s'y joue ; Les fruits sont dès avril ce qu'ils seront plus tard ; Tels nous-mêmes : l'enfant renferme le vieillard. On connaît les efforts de l'humaine culture, Et comme elle...
19ème siècle, Auguste Brizeux, Poèmes
Des bronzes, des cristaux, et des senteurs d'Asie ! ... Dans une existence choisie Se plaît cet esprit délicat ; Il faut plus qu'à toute autre femme Des parfums subtils pour son âme Et subtils pour son odorat. Pourtant on a cueilli, loin des eaux de la Seine, Cette...
19ème siècle, Auguste Brizeux, Poèmes
J'aime dans tout esprit l'orgueil de la pensée Qui n'accepte aucun frein, aucune loi tracée, Par delà le réel s'élance et cherche à voir, Et de rien ne s'effraie, et sait tout concevoir ; Mais avec cet esprit j'aime une âme ingénue, Pleine de bons instincts, de sage...
19ème siècle, Auguste Brizeux, Poèmes
N'y va pas ! Reste sur ton livre, Dans ta chambre d'étudiant ! Courbé sous la lampe de cuivre, Occupe ta pensée et ton cœur en veillant. Je le sais trop, le plus stoïque N'est bien sûr de lui qu'à l'écart ; Et l'âpreté jeune et pudique N'est pas lente à céder au...
19ème siècle, Auguste Brizeux, Poèmes
Lorsque sur ma fenêtre, à l'heure du réveil, Légèrement se pose un rayon de soleil, Un rayon d'espérance entre aussi dans mon gîte ; C'est comme un ami cher qui, vous faisant visite, Par de joyeux propos éclaire votre ennui, Et ce jour-là vous rend égayé comme lui....