La lumière s’éveille à l’orient du monde. Elle s’épanouit en gerbes, elle inonde, Dans la limpidité transparente de l’air, Le givre des hauts pics d’un pétillant éclair. Au loin, la mer immense et concave se mêle À l’espace infini d’un bleu léger comme elle, Où,...
Rien ne vaut sous les cieux l’immortelle Liqueur, Le Sang sacré, le Sang triomphal, que la Vie, Pour étancher sa soif toujours inassouvie, Nous verse à flots brûlants qui jaillissent du cœur. Jusqu’au ciel idéal dont la hauteur l’accable, Quand l’Homme de ses Dieux...
Le Roi Sigurd est mort. Un lourd tissu de laine Couvre, du crâne aux pieds, le Germain au poil blond. Son beau corps sur la dalle est couché, roide et long ; Son sang ruisselle, tiède, et la salle en est pleine. Quatre femmes sont là, quatre épouses de chefs ; La...
I Ô jeune Thyoné, vierge au regard vainqueur, Aphrodite jamais n'a fait battre ton cœur, Et des flèches d'Éros l'atteinte toujours sûre N'a point rougi ton sein d'une douce blessure. Ah ! si les Dieux jaloux, vierge, n'ont pas formé La neige de ton corps d'un marbre...
La lune sous la nue errait en mornes flammes, Et la tour de Komor, du Jarle de Kemper, Droite et ferme, montait dans l'écume des lames. Sous le fouet redoublé des rafales d'hiver La tour du vieux Komor dressait sa masse haute, Telle qu'un cormoran qui regarde la mer....
I Sous les grottes de nacre et les limons épais Où la divine Mer sommeille et rêve en paix, Vers l'heure où l'Immortelle aux paupières dorées Rougit le pâle azur de ses roses sacrées, Je suis née, et mes sœurs, qui nagent aux flots bleus, M'ont bercée en riant dans...
À l'ombre des rosiers de sa fraîche terrasse, Sous l'ample mousseline aux filigranes d'or, Djihan-Guîr, fils d'Akbar, et le chef de sa race, Est assis sur la tour qui regarde Lahor. Deux Umrahs sont debout et muets, en arrière. Chacun d'eux, immobile en ses flottants...
Ville au bouclier d'or, favorite des Dieux, Toi que bâtit la Lyre aux sons mélodieux, Toi que baigne Dirkè d'une onde inspiratrice, D'Hèraclès justicier magnanime nourrice, Thèbes ! - Toi qui contins entre tes murs sacrés Le Dieu né de la foudre, aux longs cheveux...
Un beau soir revêt de chaudes couleurs Les massifs touffus pleins d'oiseaux siffleurs Qui, las de chansons, de jeux, de querelles, Le col sous la plume, et près de dormir, Écoutent encor doucement frémir L'onde aux gerbes grêles. D'un ciel attiédi le souffle léger...
Gémis, noble Yémen, sous tes palmiers si doux ! Schâmah, lamente-toi sous tes cèdres noirs d'ombre ! Sous tés immenses cieux emplis d'astres sans nombre, Dans le sable enflammé cachant ta face sombre, Pleure et rugis, Maghreb, père des lions roux ! Azraël a fauché de...
Comme le flot des mers ondulant vers les plages, Ô bois, vous déroulez, pleins d'arome et de nids, Dans l'air splendide et bleu, vos houles de feuillages ; Vous êtes toujours vieux et toujours rajeunis. Le temps a respecté, rois aux longues années, Vos grands fronts...
En la trentième année, au siècle de l'épreuve, Étant captif parmi les cavaliers d'Assur, Thogorma, le Voyant, fils d'Elam, fils de Thur, Eut ce rêve, couché dans les roseaux du fleuve, A l'heure où le soleil blanchit l'herbe et le mur. Depuis que le Chasseur Iahvèh,...
La gorge est pleine d'ombre où, sous les bambous grêles, Le soleil au zénith n'a jamais resplendi, Où les filtrations des sources naturelles S'unissent au silence enflammé de midi. De la lave durcie aux fissures moussues, Au travers des lichens l'eau tombe en...
Sentiers furtifs des bois, sources aux frais rivages, Et vous, grottes de pampre où glisse un jour vermeil, Platanes, qui voyez, sous vos épais feuillages, Les vierges de l'Hybla céder au doux sommeil ; Un Dieu ne m'endort plus dans vos calmes retraites, Quand midi...
Depuis le jour antique où germa sa semence, Cette forêt sans fin, aux feuillages houleux, S'enfonce puissamment dans les horizons bleus Comme une sombre mer qu'enfle un soupir immense. Sur le sol convulsif l'homme n'était pas né Qu'elle emplissait déjà, mille fois...
Certes, il n'aimait pas à la façon des hommes, Avec des tresses d'or, des roses ou des pommes, Depuis que t'ayant vue, ô fille de la Mer, Le désir le mordit au cœur d'un trait amer. Il t'aimait, Galatée, avec des fureurs vraies ; Laissant le lait s'aigrir et sécher...
Les chandeliers de fer flambent jusqu'au plafond Où, massive, reluit la poutre transversale. On entend crépiter la résine qui fond. Hormis cela, nul bruit. Toute la gent vassale, Écuyers, échansons, pages, Maures lippus, Se tient debout et roide autour de la...
Aux pentes du coteau, sous les roches moussues, L'eau vive en murmurant filtre par mille issues, Croît, déborde, et remue en son cours diligent La mélisse odorante et les cailloux d'argent. Le soir monte : on entend s'épandre dans les plaines De flottantes rumeurs et...
Voici. Qaïn errait sur la face du monde. Dans la terre muette Ève dormait, et Seth, Celui qui naquit tard, en Hébron grandissait. Comme un arbre feuillu, mais que le temps émonde, Adam, sous le fardeau des siècles, languissait. Or, ce n'était plus l'Homme en sa gloire...
O brises flottantes des cieux, Du beau Printemps douces haleines, Qui de baisers capricieux Caressez les monts et les plaines ! Vierges, filles d'Eole, amantes de la paix, La Nature éternelle à vos chansons s'éveille ; Et la Dryade assise aux feuillages épais Verse...
Il est un jour, une heure, où dans le chemin rude, Courbé sous le fardeau des ans multipliés, L'Esprit humain s'arrête, et, pris de lassitude, Se retourne pensif vers les jours oubliés. La vie a fatigué son attente inféconde ; Désabusé du Dieu qui ne doit point venir,...
Valmiki, le poète immortel, est très vieux. Toute chose éphémère a passé dans ses yeux Plus prompte que le bond léger de l'antilope. Il a cent ans. L'ennui de vivre l'enveloppe. Comme l'aigle, altéré d'un immuable azur, S'agite et bat de l'aile au bord du nid obscur,...
Les cèdres et les pins, les hêtres, les érables, Dans leur antique orgueil des siècles respecté, Haussent de toutes parts avec rigidité La noble ascension de leurs troncs vénérables Jusqu'aux dômes feuillus, chauds des feux de l'été. Sous l'enchevêtrement de leurs...
Le vieux Daçaratha, sur son siège d'érable, Depuis trois jours entiers, depuis trois longues nuits, Immobile, l'œil cave et lourd d'amers ennuis, Courbe sa tête vénérable. Son dos maigre est couvert de ses grands cheveux blancs, Et sa robe est souillée. Il l'arrache...
I Vingt Cipayes, la main sur leurs pommeaux fourbis Et le crâne rasé ceint du paliacate, Gardent le vieux Nabab et la Begum d'Arkate ; Autour danse un essaim léger de Lall-Bibis. Le Mongol, roide et grave en ses riches habits, Égrène un chapelet fait d'ambre de...
Au déclin des grandeurs qui dominent la terre Quand les cultes divins, sous les siècles ployés, Reprenant de l'oubli le sentier solitaire, Regardent s'écrouler leurs autels foudroyés ; Quand du chêne d'Hellas la feuille vagabonde Des parvis désertés efface le chemin...
I Depuis qu'au joug de fer blanche esclave enchaînée, Hellas avait fini sa belle destinée, Et qu'un dernier soupir, un souffle harmonieux Avait mêlé son ombre aux ombres de ses Dieux, Le César, dévoré d'une soif éternelle, Tarissait le lait pur de l'antique Cybèle....
Khons, tranquille et parfait, le Roi des Dieux thébains, Est assis gravement dans sa barque dorée : Le col roide, l'œil fixe et l'épaule carrée, Sur ses genoux aigus il allonge les mains. La double bandelette enclôt ses tempes lisses Et pend avec lourdeur sur le sein...
Les moines, à pas lents, derrière le Prieur Qui portait le ciboire et les huiles mystiques, Rentrèrent, deux à deux, au cloître intérieur, Troupeau d'ombres, le long des arcades gothiques. Comme en un champ de meurtre, après l'ardent combat, Le silence se fit dans la...
Ô mon Seigneur Christus ! hors du monde charnel Vous m'avez envoyé vers les neuf maisons noires : Je me suis enfoncé dans les antres de Hel. Dans la nuit sans aurore où grincent les mâchoires, Quand j'y songe, la peur aux entrailles me mord ! J'ai vu l'éternité des...
Si nous vivions au siècle où les Dieux éphémères Se couchaient pour mourir avec le monde ancien, Et, de l'homme et du ciel détachant le lien, Rentraient dans l'ombre auguste où résident les Mères ; Les regrets, les désirs, comme un vent furieux, Ne courberaient encor...
Le soleil a doré les collines lointaines ; Sous le faîte mouillé des bois étincelants Sonne le timbre clair et joyeux des fontaines. Un chariot massif, avec deux buffles blancs, Longe, au lever du jour, la sauvage rivière Où le vent frais de l'Est rit dans les joncs...
Tandis qu'enveloppé des ténèbres premières, Brahma cherchait en soi l'origine et la fin, La Mâyâ le couvrit de son réseau divin, Et son cœur sombre et froid se fondit en lumières. Aux pics du Kaîlaça, d'où l'eau vive et le miel Filtrent des verts figuiers et des...
Si vous souhaitez lire ou relire les poèmes les plus célèbres et les plus beaux de Charles-Marie Leconte de Lisle, vous êtes au bon endroit. Bien que l’art soit subjectif, j’ai tenté de sélectionner des poèmes incontournables de ce poète en me basant sur mes...
C'est l'an de grâce mil six cent dix-neuf, le seize De juillet, en un vaste et riche diocèse Primatial. Le ciel est pur et rayonnant. Bourdons et cloches vont sonnant et bourdonnant. La ville en fête rit au clair soleil qui dore Ses pignons, ses hauts toits et son...
Quand l'homme approche enfin des sommets où la vie Va plonger dans votre ombre inerte, ô mornes cieux ! Debout sur la hauteur aveuglément gravie, Les premiers jours vécus éblouissent ses yeux. Tandis que la nuit monte et déborde les grèves, Il revoit, au delà de...
Dors, Maître, dans la paix de ta gloire ! Repose, Cerveau prodigieux, d'où, pendant soixante ans, Jaillit l'éruption des concerts éclatants ! Va ! la mort vénérable est ton apothéose : Ton Esprit immortel chante à travers les temps ! Pour planer à jamais dans la Vie...
I. L'éclair vibre sa flèche torse À l'horizon mouvant des flots. Sur ta natte de fine écorce Tu rêves, les yeux demi-clos. À l'horizon mouvant des flots La foudre luit sur les écumes. Tu rêves, les yeux demi-clos, Dans la case que tu parfumes. La foudre luit sur les...
Gallus Chanteurs mélodieux, habitants des buissons, Le ciel pâlit, Vénus à l'horizon s'éveille ; Cynthia vous écoute, enivrez son oreille ; Versez-lui le flot d'or de vos belles chansons. Cynthia La nuit sereine monte, et roule sans secousse Le chœur éblouissant des...
Toi par qui j'ai senti, pour des heures trop brèves, Ma jeunesse renaître et mon cœur refleurir, Sois bénie à jamais ! J'aime, je puis mourir ; J'ai vécu le meilleur et le plus beau des rêves ! Et vous qui me rendiez le matin de mes jours, Qui d'un charme si doux...
Sur un groupe du Statuaire E. Christophe. L'épée en main, le pied sur la roue immortelle, Douce à l'homme futur, terrible au dieu dompté, Elle vole, les yeux dardés droit devant elle, Dans sa grâce, sa force et sa sérénité ! Charles Marie René Leconte de...
L'aigu bruissement des ruches naturelles, Parmi les tamarins et les manguiers épais, Se mêlait, tournoyant dans l'air subtil et frais, À la vibration lente des bambous grêles Où le matin joyeux dardait l'or de ses rais. Le vent léger du large, en longues nappes roses...
Dans l'immense Prairie, océan sans rivages, Houles d'herbes qui vont et n'ont pas d'horizons, Cent rouges cavaliers, sur les mustangs sauvages, Pourchassent le torrent farouche des bisons. La plume d'aigle au crâne, et de la face au torse Striés de vermillon, arc au...
L'aurore désirée, ô filles de Byblos, A déployé les plis de son riche péplos ! Ses yeux étincelants versent des pierreries Sur la pente des monts et les molles prairies, Et, dans l'azur céleste où sont assis les dieux, Elle rit, et son vol, d'un souffle harmonieux,...
Sur les continents morts, les houles léthargiques Où le dernier frisson d'un monde a palpité S'enflent dans le silence et dans l'immensité ; Et le rouge Sahil, du fond des nuits tragiques, Seul flambe, et darde aux flots son œil ensanglanté. Par l'espace sans fin des...
Loin du cap de Penn'hor, où hurlait la mêlée Sombre comme le rire amer des grandes eaux, Bonds sur bonds, queue au vent, crinière échevelée, Va ! Cours, mon bon cheval, en ronflant des naseaux. Qu'il est sombre, le rire amer des grandes Eaux ! Franchis roc, val,...
Sur un groupe du Statuaire E. Christophe. Heureux qui, possédant la Chimère éternelle, Livre au Monstre divin un cœur ensanglanté, Et savoure, pour mieux s'anéantir en elle, L'extase de la mort et de la volupté Dans l'éclair d'un baiser qui vaut l'éternité ! Charles...
Les Mavromikhalis, les aigles du vieux Magne, Ont traqué trois cents Turks dans le défilé noir, Et, de l'aube à midi, font siffler et pleuvoir Balles et rocs du faîte ardu de la montagne. L'amorce sèche brûle et jaillit par éclair D'où sort en tournoyant la fumerolle...
C'est une mer, un Lac blême, maculé d'îles Sombres, et pullulant de vastes crocodiles Qui troublent l'eau sinistre et qui claquent des dents. Quand la nuit morne exhale et déroule sa brume, Un brusque tourbillon de moustiques stridents Sort de la fange chaude et de...
La nuit enveloppait les sept Monts et la Plaine. Dans l'oratoire clos, le Pape Innocent trois. Mains jointes, méditait, vêtu de blanche laine Ou se détachait l'or pectoral de la Croix. Du dôme surbaissé, seule, une lampe antique, Argile suspendue au grêle pendentif,...
Hideux siècles de foi, de lèpre et de famine, Que le reflet sanglant des bûchers illumine ! Siècles de désespoir, de peste et de haut-mal, Où le Jacque en haillons, plus vil que l'animal, Geint lamentablement sa pitoyable vie ! Siècles de haine atroce et jamais...
Ai-je dormi ? Quel songe horrible m'a hanté ? Oh ! Ces spectres, ces morts, un blême rire aux bouches, Surgis par millions du sol ensanglanté, Et qui dardaient, dans une ardente fixité, Leurs prunelles farouches ! Tels, sans doute, autrefois, Y'Hezqel le Voyant, Le...
Toi, dont l’âme est à peine éclose, Ô chère petite aux doux yeux, Et dont la lèvre fine et rose Gazouille un rire harmonieux ; Dont les larmes vite apaisées, Sur ta joue au pâle contour, Tarissent comme les rosées Que boit le rayon d’or du jour ; Et qui, le soir,...
La nue était d’or pâle, et d’un ciel doux et frais, Sur les jaunes bambous, sur les rosiers épais, Sur la mousse gonflée et les safrans sauvages, D’étroits rayons filtraient à travers les feuillages. Un arome léger d’herbe et de fleurs montait ; Un murmure infini dans...
Comme autour d'une meule, et roidissant leur chaîne Des captifs en sueur, pleins de rage et d'efforts, Les globes surchargés de vivants et de morts Autour des vieux soleils tournent à perdre haleine. Un invisible fouet les harcèle et les mène, Tous, les moins...
L’immense mer sommeille. Elle hausse et balance Ses houles où le ciel met d’éclatants îlots. Une nuit d’or emplit d’un magique silence La merveilleuse horreur de l’espace et des flots. Les deux gouffres ne font qu’un abîme sans borne De tristesse, de paix et...
Si les chastes amours avec respect louées Éblouissent encor ta pensée et tes yeux, N’effleure point les plis de leurs robes nouées : Garde la pureté de ton rêve pieux. Ces blanches visions, ces vierges que tu crées Sont ta jeunesse en fleur épanouie au ciel ! Verse à...
Du pâle Lydien, ô race envenimée, L'inextinguible soif ne t'a point consumée ! Soucieux héritier du tourment paternel, O vulgaire maudit, es-tu donc éternel ? Mille fois, vaste champ où tout germe et s'efface, La terre inépuisable a remué sa face, Du jour où rejeté...
Dans l’air léger, dans l’azur rose, Un grêle fil d’or rampe et luit Sur les mornes que l’aube arrose. Fleur ailée, au matin éclose, L’oiseau s’éveille, vole et fuit Dans l’air léger, dans l’azur rose. L’abeille boit ton âme, ô rose ! L’épais tamarinier bruit Sous les...
Les yeux d’or de la Nuit, dans la mer qui les berce, Luisent comme en un ciel lentement onduleux. Le tranquille soupir exhalé des flots bleus Se mêle à l’air muet et tiède, et s’y disperse. Les eaux vives, fluant sous les rosiers épais, Qui d’un frisson léger meuvent...
Soleils ! Poussière d'or éparse aux nuits sublimes Où l'esprit éperdu s'envole et plonge en vain ! Vous épanchez sur nous, du fond des bleus abîmes, La bienheureuse paix du silence divin, Soleils ! Poussière d'or éparse aux nuits sublimes ! Mais qui sait, ô...
Ta rose de pourpre, à ton clair soleil, O Juin, étincelle enivrée ; Penche aussi vers moi ta coupe dorée : Mon cœur à ta rose est pareil. Sous le mol abri de la feuille ombreuse Monte un soupir de volupté ; Plus d'un ramier chante au bois écarté, O mon cœur, sa...
Ta demeure est au bord des océans antiques, Maître ! Les grandes Eaux lavent tes pieds mystiques. Sur ta face divine et ton dos écumant L'Abîme primitif ruisselle lentement. Tes cheveux qui brûlaient au milieu des nuages, Parmi les rocs anciens déroulés sur les...
Sur la montagne aux sombres gorges Où nul vivant ne pénétra, Dans les antres de Lipara Hèphaistos allume ses forges. Il lève, l'illustre Ouvrier, Ses bras dans la rouge fumée, Et bat sur l'enclume enflammée Le fer souple et le dur acier. Les tridents, les dards, les...
Sur la pente des monts les brises apaisées Inclinent au sommeil les arbres onduleux ; L'oiseau silencieux s'endort dans les rosées, Et l'étoile a doré l'écume des flots bleus. Au contour des ravins, sur les hauteurs sauvages, Une molle vapeur efface les chemins ; La...
O chevrier ! ce bois est cher aux Piérides. Point de houx épineux ni de ronces arides ; A travers l'hyacinthe et le souchet épais Une source sacrée y germe et coule en paix. Midi brûle là-bas où, sur les herbes grêles, On voit au grand soleil bondir les sauterelles ;...
Le divin Berger des monts de Phrygie Goûte, les yeux clos, l'éternel sommeil ; Et de son beau corps, dans l'herbe rougie, Coule un sang vermeil. En boucles de lin, sur la pâle joue Qu'enviaient les fruits honneur des vergers, Tombent, du réseau pourpré qui les noue,...
Pan d'Arcadie, aux pieds de chèvre, au front armé De deux cornes, bruyant, et des pasteurs aimé, Emplit les verts roseaux d'une amoureuse haleine. Dès que l'aube a doré la montagne et la plaine, Vagabond, il se plaît aux jeux, aux chœurs dansants Des Nymphes, sur la...
Ne crains pas de puiser aux réduits du cellier Le vin scellé quatre ans dans l'amphore rustique ; Laisse aux Dieux d'apaiser la mer et l'orme antique, Thaliarque ! Qu'un beau feu s'égaye en ton foyer ; Pour toi, mets à profit la vieillesse tardive : Il est plus d'une...
FRÉDÉGONDE, d’une voix basse et haletante. Ah ! misérable ! mords ta langue. Hors d’ici ! Tais-toi. Tant que je vis, telle que me voici, Et si bas que je tombe encore, vil serf, sache Qu’il me suffit d’un geste et d’un mot, pour qu’on hache En dix morceaux ta chair et...
A travers les massifs des pâles oliviers L'Archer resplendissant darde ses belles flèches Qui, par endroits, plongeant au fond des sources fraîches, Brisent leurs pointes d'or contre les durs graviers. Dans l'air silencieux ni souffles ni bruits d'ailes, Si ce n'est,...
Ô blanche Tyndaris, les Dieux me sont amis Ils aiment les Muses Latines ; Et l'aneth, et le myrte et le thym des collines Croissent aux prés qu'ils m'ont soumis. Viens ! mes ramiers chéris, aux voluptés plaintives, Ici se plaisent à gémir ; Et sous l'épais feuillage...
Les siècles, où les Dieux, dès longtemps oubliés, Par millions, jadis, se sont multipliés ; Les innombrables jours des aurores futures Qui luiront sur la vie et ses vieilles tortures, Et qui verront surgir, comme des spectres vains, Des millions encor d’Éphémères...
Un monde mort, immense écume de la mer, Gouffre d'ombre stérile et de lueurs spectrales, Jets de pics convulsifs étirés en spirales Qui vont éperdument dans le brouillard amer. Un ciel rugueux roulant par blocs, un âpre enfer Où passent à plein vol les clameurs...
Autrefois, quand l'essaim fougueux des premiers rêves Sortait en tourbillons de mon cœur transporté ; Quand je restais couché sur le sable des grèves, La face vers le ciel et vers la liberté ; Quand, chargé du parfum des hautes solitudes, Le vent frais de la nuit...
Maya ! Maya ! torrent des mobiles chimères, Tu fais jaillir du cœur de l’homme universel Les brèves voluptés et les haines amères, Le monde obscur des sens et la splendeur du ciel ; Mais qu’est-ce que le cœur des hommes éphémères, Ô Maya ! sinon toi, le mirage...
Kastalides ! chantez l'enfant aux brunes tresses, Dont la peau lisse et ferme a la couleur du miel, Car vous embellissez la louange, ô Déesses ! Autour de l'onde où croît le laurier immortel Chantez Péristèris née au rocher d'Egine : Moins chère est à mes yeux la...
Certes, en ce temps-là, le bon pays de France Par le fait de Satan fut très fort éprouvé, Pas un grêle fétu du sol n'ayant levé Et le maigre bétail étant mort de souffrance. Trois ans passés, un vrai déluge, nuit et jour, Ruisselait par les champs où débordaient les...
Ces beaux arbres, témoins de tant d’amours anciennes, Qui fléchissaient, chargés du poids des jours sans fin, Respirent, rajeunis, ton arome divin, Ô Fleur, vivante Fleur, Rose de Louveciennes ! Sous leur ombre un Poète immortel a chanté Dont ils gardent encor la...
Offre un encens modeste aux Lares familiers, Phidylé, fruits récents, bandelettes fleuries ; Et tu verras ployer tes riches espaliers Sous le faix des grappes mûries. Laisse, aux pentes d'Algide, au vert pays Albain, La brebis, qui promet une toison prochaine, Paître...
Sur la côte d'un beau pays, Par delà les flots Pacifiques, Deux hauts palmiers épanouis Bercent leurs palmes magnifiques. À leur ombre, tel qu'un Nabab Qui, vers midi, rêve et repose, Dort un grand tigre du Pendj-Ab, Allongé sur le sable rose ; Et, le long des fûts...
Svelte palmier, Arbre léger, Dont verte branche En éventail, Au frais travail, Longue s'épanche, Quand le soleil Jaunit du ciel La draperie Pure, arrondie, Qui dans le loin Lasse la vue D'une étendue Bleue et sans fin ; Oriental, Original, Féérique même ! Si moelleux,...
Depuis neuf ans et plus dans l'amphore scellée Mon vin des coteaux d'Albe a lentement mûri ; Il faut ceindre d'acanthe et de myrte fleuri, Phyllis, ta tresse déroulée. L'anis brûle à l'autel, et d'un pied diligent Tous viennent couronnés de verveine pieuse ; Et mon...
Marbre sacré, vêtu de force et de génie, Déesse irrésistible au port victorieux, Pure comme un éclair et comme une harmonie, O Vénus, ô beauté, blanche mère des Dieux ! Tu n'es pas Aphrodite, au bercement de l'onde, Sur ta conque d'azur posant un pied neigeux, Tandis...
Quand la fleur du soleil, la rose de Lahor, De son âme odorante a rempli goutte à goutte La fiole d’argile ou de cristal ou d’or, Sur le sable qui brûle on peut l’épandre toute. Les fleuves et la mer inonderaient en vain Ce sanctuaire étroit qui la tint enfermée : Il...
Plus de neiges aux prés. La Nymphe nue et belle Danse sur le gazon humide et parfumé ; Mais la mort est prochaine ; et, nous touchant de l'aile, L'heure emporte ce jour aimé. Un vent frais amollit l'air aigu de l'espace ; L'été brûle ; et voici, de ses beaux fruits...
En mes coupes d'un prix modique Veux-tu tenter mon humble vin ? Je l'ai scellé dans l'urne Attique Au sortir du pressoir Sabin. Il est un peu rude et moderne ; Cécube, Calès ni Falerne Ne mûrissent dans mon cellier ; Mais les Muses me sont amies, Et les Muses font...
Rien ne vaut sous les cieux l’immortelle Liqueur, Le Sang sacré, le Sang triomphal, que la Vie, Pour étancher sa soif toujours inassouvie, Nous verse à flots brûlants qui jaillissent du cœur. Jusqu’au ciel idéal dont la hauteur l’accable, Quand l’Homme de ses Dieux...
Viens ! c'est le jour d'un Dieu. Puisons avec largesse Le Cécube clos au cellier. Fière Lydé, permets au plaisir familier D'amollir un peu ta sagesse. L'heure fuit, l'horizon rougit sous le soleil, Hâte-toi. L'amphore remplie Sous Bibulus consul, repose ensevelie :...
Berger du monde, clos les paupières funèbres Des deux chiens d'Yama qui hantent les ténèbres. Va, pars ! Suis le chemin antique des aïeux. Ouvre sa tombe heureuse et qu'il s'endorme en elle, O Terre du repos, douce aux hommes pieux ! Revêts-le de silence, ô Terre...
Une nuit noire, par un calme, sous l'Équateur. Le Temps, l'Étendue et le Nombre Sont tombés du noir firmament Dans la mer immobile et sombre. Suaire de silence et d'ombre, La nuit efface absolument Le Temps, l'Étendue et le Nombre. Tel qu'un lourd et muet décombre,...
Lydia, sur tes roses joues, Et sur ton col frais et plus blanc Que le lait, coule étincelant L'or fluide que tu dénoues. Le jour qui luit est le meilleur Oublions l'éternelle tombe. Laisse tes baisers de colombe Chanter sur tes lèvres en fleur. Un lys caché répand...
Comme un morne exilé, loin de ceux que j'aimais, Je m'éloigne à pas lents des beaux jours de ma vie, Du pays enchanté qu'on ne revoit jamais. Sur la haute colline où la route dévie Je m'arrête, et vois fuir à l'horizon dormant Ma dernière espérance, et pleure...
C'est un monde difforme, abrupt, lourd et livide, Le spectre monstrueux d'un univers détruit Jeté comme une épave à l'Océan du vide, Enfer pétrifié, sans flammes et sans bruit, Flottant et tournoyant dans l'impassible nuit. Autrefois, revêtu de sa grâce première,...
La Jeunesse nous quitte, et les Grâces aussi. Les Désirs amoureux s'envolent avec elles, Et le sommeil facile. À quoi bon le souci Des espérances éternelles ? L'aile du vieux Saturne emporte nos beaux jours, Et la fleur inclinée au vent du soir se fane ; Viens à...
Le Souci, plus léger que les vents de l'Épire, Poursuivra sur la mer les carènes d'airain ; L'heure présente est douce : égayons d'un sourire L'amertume du lendemain. La pourpre par deux fois rougit tes laines fines ; Ton troupeau de Sicile est immense ; et j'ai mieux...
Celui-ci vivra, vainqueur de l'oubli, Par les Dieux heureux ! Sa main sûre et fine A fait onduler sur l'onyx poli L'écume marine. Avec le soleil, douce, aux yeux surpris, Telle qu'une jeune et joyeuse reine, On voit émerger mollement Kypris De la mer sereine. La...
Midi est un des poèmes les plus beaux et célèbres de Leconte de Lisle. Il est paru en 1852 dans le recueil Poèmes Antiques, œuvre incontournable du Parnasse inspirée de l'antiquité. Midi est un poème sur la nature sous le soleil de midi composé de huit quatrains en...
Si l'Aurore, toujours, de ses perles arrose Cannes, gérofliers et maïs onduleux ; Si le vent de la mer, qui monte aux pitons bleus, Fait les bambous géants bruire dans l'air rose ; Hors du nid frais blotti parmi les vétivers Si la plume écarlate allume les feuillages...
Au plus creux des ravins emplis de blocs confus, De flaques d'eau luisant par endroits sous les ombres, La lune, d'un trait net, sculpte les lignes sombres De vieux troncs d'arbres morts roides comme des fûts. Dans les taillis baignés de violents aromes Qu'une brume...