L'on a blâmé Ronsard d'avoir, vieil sacrilège, Un noir bouc immolé, l'ayant voulu aimer ; Je dis que le menteur qui l'osa diffamer, Lui-même aurait bien fait comme Oris de Liège : Cet Oris plein des feux de sa mignarde vierge, Furieux, à minuit, commença de nommer...
Le corps pâle brûlé au bûcher domestique, Content de l'Achéron en sa chère moitié, Vécut, mourut, brûla, ô cendres d'amitié, Puisse naître de vous le cher oiseau unique ! Soyez donc arrousés du doux nectar lybique, Heureux qui êtes morts premier que l'amitié Qui lia...
Le soir, au son bruyant des cloches étourdies, Qui de leurs premiers cris font émouvoir les cieux, Les Esprits à leur son, de leurs os ennuyeux, Descendent à milliers aux tombes engourdies. Les uns sont morts d'amour, de chaudes maladies, Les autres aux combats par le...
Misérable désert en glaces éternelles, Figure des enfers et séjour des démons, Pourquoi demeurez-vous dans le flanc de ces monts ? Recevez Apollon en vos antres mortelles. Ô solitaire Dieu, où mes amours nouvelles Me guident pour me plaindre au son de mes chansons,...
Ô belle Nuit, tu es évanouie, Où sont logés tes chevaux furieux Qui brunissaient d'une haleine obscurcie Les monts, les vaux, les plaines et les cieux ? Las où es-tu, Ténèbre gracieux, Et vous Jupins qui souliez me conduire, Donnez secours à mon mal ennuyeux, Car sous...
Ô Nuit où je me perds, ténèbre affreux et sombre, Pourquoi durez-vous tant ? Faites place aux flambeaux Que vous tenez là-bas arrêtés sous les eaux, Pour rendre à mon malheur plus obscure votre ombre. J'aime mieux demeurer pour jamais en encombre Entouré de silence,...
Ô regards ensouffrés, yeux de lynx homicides, Qui tirez vos amis, leur brûlant âme et cœurs, Qui êtes de nos jours trop aisément vainqueurs, Des hautains demi-dieux les patrons et les guides ! Vous en dépit des eaux de mes yeux tant humides, Vous brûlez, foudroyez et...
Que n'ai-je comme Bacchus Cette puissance divine ! Jaloux, vous seriez vaincus Par une feuille de vigne. Ma Rozette me tiendrait, Mais tout en votre présence, Et douce me baiserait. Que n'ai-je cette puissance ? Je deviendrais beau raisin, Elle, sans être aperçue, Me...
Sache que Palinure enseigna son vestige Au Prince, descendu sur les stygiens bords, Errant là-bas en peine, à cause que le corps Qui n'a point de tombeau cent ans son âme afflige. L'amoureuse pitié, Marie, ainsi t'oblige De donner sépulture à moi, las, qui m'endors...
Source de mes pleurs, arrêtez En ce lieu votre vite course, Pour ouïr chanter les beautés D'une qui est devenue Ourse, Que les Dieux punissant ainsi Ont mise en ce rocher ici. Je veux aussi mon mal chanter, Où toujours plus constant je dure, Voulant désormais habiter...
Absence, Absence, Absence, ô cruelle divorce, Pitié des affligés, maison d'obscurité, Qui ruine tout le monde, et dont l'autorité Fait de nouveaux enfers, connaissant bien sa force, Pourquoi, hélas pourquoi, ô misérable amorce, De mes soudainetés, as-tu précipité Mon...
Tu as beau me baiser, inconstante meurtrière, Si j'oublie les mots que j'endure pour toi, J'en suis si indigné quand je m'en ramentois Que toujours je voudrais que tu me fusses fière. Je voudrais que toujours ta rigueur fût entière, Et que toujours ton feu s'irritât...
Une belle lingère, au son de mes soupirs Cruelle, allait taillant de linoupe une fraise. Je mourais de désir, elle était à son aise De m'ouïr soupirer et avaler mes cris. Je lui disais ainsi : " Lingère qui m'as pris, Lingère qui me fais du sein une fournaise, Éteins...
Ha ! cœur que j'aimais tant, et qui m'as tant aimée, Tu mérites mon cœur, un si riche cercueil : Mais pour montrer que moi digne d'un si grand deuil Dois mourir, çà mourons d'une mort animée ! Je ne veux de tourments avoir l'âme pâmée, Ni noyer mon courage aux larmes...
Vous qui n'ensorcelez les troupes vagabondes, Mais toujours tourmentés, endurez tant de maux, Voyez tant seulement baigner les animaux, Et détournez vos yeux de ces sacrées ondes. Gardez l'orage saint, ce sont les Nymphes blondes, Actéon cerf fuyant, après tant de...
Je meurs, ô doux baisers, et sens dedans mon âme Éteindre mon amour, brandon après brandon, Et prête de voler sur le bord où Charon Blesse le sein des eaux de son ancienne rame. Et puis je sens encore, en vous baisant, Madame, Dé mes terribles maux la douce guérison,...
Vous qui sans corps, Démons, errez en France, Laissez ici reposer doucement Vos membres froids, et chez vous maintenant Courez pour voir le deuil de votre absence. Allez-y donc, invisibles, je pense Que vous verrez celui-ci, son enfant, L'autre sa femme, en un noir...
Je ne suis plus celui qui sous l'ombre plaisante D'un beau rang de sapins, tout seul se promenait, Un luth dessous son bras, qui doucement sonnait, Me délivrant d'ennui, et de douleur cuisante : Mais je suis bien celui qui non tant se contente A plaidasser ici,...
L'âme qui en secret voit enterrer son corps, Fait tout ce qu'elle peut pour en montrer la place, Afin de recevoir des vivants cette grâce, Qu'il soit mis au sépulcre honorable des morts. Cependant animée elle se plaint des torts Naguère à elle faits en suivant à la...