Ami, la nuit, souvent, aux heures d’insomnie, Quand je rêve attristé, Des lointains souvenirs le mystique génie S’assied à mon côté. Des savanes, des pins, des ondes du vieux fleuve J’entends la grande voix, Et mon âme renaît à la vie et s’abreuve Aux sources... Oui, je suis un rêveur ! j’aime comme Virgile A vivre inglorieux, Près d’un ruisseau sans nom qui reflète tranquille Le vif azur des cieux ; Oui, je suis un rêveur ! ainsi que Lamartine, Sur l’eau d’un lac mouvant, J’aime à voir, au lointain, la voile qui s’incline... Le soleil pâlissant du pluvieux automne A l’humide horizon d’un ciel terne et blafard S’éteint ; et sur Paris, océan qui bourdonne, S’abaissent, en tous lieux, des trombes de brouillard. Seul errant au hasard, la tristesse dans l’âme, D’un œil morne et glacé,... Je me disais : La vie est triste et monotone ! Et quoi ! toujours, toujours, Souffrir, pleurer ! ainsi que des feuilles d’automne, Voir tomber se beaux jours !… A mes yeux apparut une vierge créole, Céleste vision, Et voilà que déjà mon âme se console Et que... La lune du Lacombe argente les deux rives : Pas un bruit de roseaux ni de feuilles plaintives. Au camp muet s’éteint le cri du négrillon ; Dans le foyer bruit l’invisible grillon. Oh ! c’est l’heure pieuse où l’âme recueillie S’enivre de silence et de mélancolie,... Adieu, frère créole, ami d’enfance, adieu !... Vogue sur l’Océan, à la merci de Dieu ! Comme un coursier sans frein qui jette un cri sauvage, Le Rubicon bondit, cingle loin du rivage. Adieu, frère créole, une dernière fois !... Mais la brise grondante éteint, couvre... Oui, le Vaillant a bien accompli son voyage ! Il a franchi le golfe en cinq jours de sillage. Le Vaillant fait honneur au chantier de Bordeaux : Ainsi que l’alcyon il glisse sur les eaux. Oh ! comme avec amour, par une nuit tranquille, J’écoutais son doux bruit... Quand elle reposa, sous un tertre sans nom, Celle à qui nous liait le filial chaînon, Et que, sur ce gazon où l’arbuste s’incline, Pleuraient ses fils enfans et sa fille orpheline, Moi, qu’alors enfermait la zone d’orient, Enfant insoucieux et prisonnier riant,... Je pars…nul écho sur la rive, Pas un murmure dans les bois ; Pas un bruit de feuille plaintive : Le will-poor-will même est sans voix. La Nature semble endormie, Le front d’un nuage voilé ; Nul souffle sur l’onde assoupie : Dieu guide le pauvre exilé ! Je pars… adieu,... C’est l’heure solennelle où tout se tait, c’est l’heure Où la création en silence demeure. Le chant du moqueur rouge, en un dernier effort, Retentit et s’éteint dans l’écho du bois-fort. Le pesant carrion-crow de l’abîme des nues Regagne haletant ses retraites connues... Sur la vieille cité quand un lourd brouillard pèse, Oh ! que de fois, ami, L’imagination, sous le tiède mélèze, Me ramène endormi ! Quand pourrai-je, avec toi, fumant le trabucco . Du rhythme alexandrin faire vibrer l’écho, Ayant en main un livre où notre âme... Oh ! puisque pour toujours, enfin, j’ai renoncé A ce rêve d’amour qui m’a longtemps bercé, A cet ange divin, ma créole inconnue, Que sous les tièdes pins je pressais demi-nue, Quand dans mon sein mon cœur battait avec effort, Lorsque je me couchais triste près d’un... Oh ! lorsque le matin paraît la jeune fille, A travers les buissons, sous sa rouge mantille, Quand sa voix retentit au delà du vieux pont, D’où vient donc qu’en ton cœur un écho lui répond ? Oh ! d’où vient ? Est-ce amour ou bien amitié sainte ? Pourquoi toujours tes... O fortuné vieillard ton sort me fait envie ! Que ne puis-je, imitant ta solitaire vie, Comme toi voir couler, créole Robinson, Mes jours comme un ruisseau dans un désert sans nom ! Quel est donc ton secret ? et quoi ! tu vis tranquille, Content, insoucieux, près du... Oh ! non, vous vous trompez, la solitude est sainte ! Votre fils est heureux sous l’arbre de l’enceinte, Quand il entend le chant de nos rouges moqueurs, Harmonie enivrante et faite pour nos cœurs, Oh ! ne répétez point ces amères paroles : Vous ne connaissez point... Près d’une femme, en proie à l’amoureux délire, Le poëte est muet, il se tait et soupire. De mille émotions à la fois oppressé, Il veut poursuivre en vain un rhythme commencé ; Pour calmer de son cœur l’ardente frénésie, Il appelle, il évoque en vain la poésie :...