19ème siècle, Étienne Eggis, Poèmes
Enfants, connaissez-vous un ange de la terre. Aussi pur, aussi beau que les anges des cieux ? Il embaume ici-bas le sentier solitaire Et rend doux et sereins tous les fronts soucieux. Autour de son grand front palpite la lumière. Il est venu vers nous pour faire...
19ème siècle, Étienne Eggis, Poèmes
I Je rêvais cette nuit A peu près vers minuit Que j’étais étendu mort, au fond d’une tombe, Et que ce froid brouillard qui, des monts, la nuit, tombe, Étendait sur le sol Son brumeux parasol ; II Quelques fleurs désolées Surgissaient isolées Au pied des buissons gris...
19ème siècle, Étienne Eggis, Poèmes
O poëte niais ! pauvre arrangeur de rimes, Tu veux chanter, dis-tu, mais qui t’écoutera ? Eh ! les vers aujourd’hui se débitent en primes ; On en fait à la toise et nul ne les lira. Étienne Eggis
19ème siècle, Étienne Eggis, Poèmes
Il existe un poète aux odes insondées, Plus vaste que les cieux, plus grand que l’infini ; Son cœur est l’océan où naissent les idées, L’univers à genoux chante son nom béni. Son regard rajeunit les croyances ridées ; Il sculpte au cœur humain l’espoir dans le granit,...
19ème siècle, Étienne Eggis, Poèmes
I Voyager ! voyager ! Sur un sol étranger A travers le danger Promener, libre et seul, sa vie aventureuse ; Près des vieux matelots, Écouter les grands flots A côté des îlots Chanter pendant la nuit sous la lune amoureuse. Au fond d’une forêt Dans un vallon secret...
19ème siècle, Étienne Eggis, Poèmes
De la psycologie un soir prenant la lampe, J’osai, seul, m’avancer jusqu’au bord de la rampe D’où l’on voit tout au fond vivre le cœur humain. Je bondis en arrière à moitié du chemin, Frissonnant, éperdu, pâle, les lèvres blanches, Comme lorsque vers vous viennent les...
19ème siècle, Étienne Eggis, Poèmes
Dans les beaux jours d’été, quand un soleil splendide, A l’habit riche et fin comme au haillon sordide, Verse, sans les compter, ses bienfaisants rayons, Je m’en vais bien souvent, seul avec mes crayons, Sur les grands boulevards, au travers de la foule, Qui, comme un...
19ème siècle, Étienne Eggis, Poèmes
La mer a ses flots et ses perles ; Le ciel a le soleil et Dieu ; Les forets leur mousse et leurs merles, Et mon ange a son grand œil bleu. Moi, rimeur, je n’ai qu’une harpe Pleine d’une vague langueur ; J’ai pour la suspendre une écharpe, Et je la porte sur le cœur....
19ème siècle, Étienne Eggis, Poèmes
Me tuer ? — J’aime mieux, en cachant mon ulcère, Au travers des humains que le destin lacère, Poursuivre mon chemin le scepticisme au cœur, Et jeter aux passants mon sourire moqueur. Le globe où pleure et rit la comédie humaine Vaut bien jusqu’à la fin, ma foi ! qu’on...
19ème siècle, Étienne Eggis, Poèmes
Quand j’avais dix-huit ans je croyais que les grès Qu’un peuple jette aux rois cimentent le progrès ; Je croyais qu’il est beau, sur la place publique, De crier, l’arme au poing : Vive la République ! J’aurais voulu mourir dans ma naïveté Pour la démocratie et pour la...
19ème siècle, Étienne Eggis, Poèmes
I Oh ! si quelqu’un l’aimait ! — De son âme ulcérée Un baiser éteindrait la voix désespérée Et l’amer souvenir ; Oh ! si quelqu’un l’aimait ! — Ses lâches défaillances Reviendraient boire aux flots des divines croyances Que rien ne peut ternir ; Oh ! si quelqu’un...
19ème siècle, Étienne Eggis, Poèmes
Un jour un prince allemand Fit abattre un bois de chênes Qui couvrait, sombre et dormant, Quelques collines prochaines. Et des arbres qu’abattit L’ingrate et sourde cognée, On dit qu’alors il sortit Comme une voix éloignée : Prends garde, prince allemand ; Malgré ta...
19ème siècle, Étienne Eggis, Poèmes
O mon pâle rêveur ! me disait une femme. Toi dont le cœur est mort dans ton sein déchiré, Et dont l’œil cependant reluit sous tant de flamme, Sceptique de vingt ans, as-tu jamais pleuré ? Hélas ! lui répondis-je, aux faiblesses humaines Je n’ai pu m’arracher encore...
19ème siècle, Étienne Eggis, Poèmes
L’Océan n’adoucit son onde acre et salée Que lorsque le soleil l’a pompée au ciel bleu, Et reversée en pluie au sein de la vallée, La mer c’est le génie, et le soleil c’est Dieu. Étienne Eggis
19ème siècle, Étienne Eggis, Poèmes
O ma belle brune aux yeux bleus, Vagabonde enfant des Bohèmes, Laisse-moi lire dans tes yeux, De ton regard les longs poèmes. Derrière le rideau des bois Le soleil va cacher son orbe ; Assoupis un moment ta voix Et les refrains de ton théorbe. Et dans l’océan de tes...
19ème siècle, Étienne Eggis, Poèmes
Lorsque je serai las de traîner sans envie Le boulet douloureux du bagne de la vie ; Lorsque mon cœur blessé sera tout à fait mort, J’irai, fier, calme et seul, sans crainte ni remord, Mourir sur une grève où la mer éternelle Chante loin des humains sa plainte...
19ème siècle, Étienne Eggis, Poèmes
Oh ! ne laissons jamais sous le doute énervant Notre âme s’affaisser comme le flot au vent ; Recevons, sans pâlir, les coups de la souffrance, Que le bien seulement ait notre souvenir ; Oublions le passé pour croire à l’avenir, Et buvons en marchant le vin de...
19ème siècle, Étienne Eggis, Poèmes
Elle ! Elle est belle comme une fraîche soirée Sur la blanche montagne où le soleil s’endort ; Quand l’ombre descendante, aux flots d’opale et d’or, Agrafe sur son front son écharpe moirée, Sa voix a la douceur et la suavité D’un chant lointain de harpe entendu sous...
19ème siècle, Étienne Eggis, Poèmes
Eh bien ! mon cher lecteur, comment me trouvez-vous ? D’être lu jusqu’au bout me jugez-vous indigne ? Les plus sages, mon Dieu ! sont souvent les plus fous, Et Kant sans déroger peut pêcher à la ligne. Et puis, qui trop pleura, — ceci dit entre nous, — Souvent, faute...
19ème siècle, Étienne Eggis, Poèmes
Connais-tu la romance Qui fait toujours pleurer, Que le cœur recommence Sans se désespérer ? Carl aimait Madeleine : Il eût baisé ses pas ; Il buvait son haleine : — Elle ne l’aimait pas. Elle aimait un beau pâtre Qui passait sans la voir ; Et souvent, près de l’âtre,...
19ème siècle, Étienne Eggis, Poèmes
I La poésie au cœur et la harpe à l’épaule, Libres comme l’éclair dont s’embrase le pôle ; Nous marchons sous le grand ciel bleu. Appuyant notre main sur un bâton de saule, En chantant l’avenir et Dieu. De notre vie, amis, voilà te beau poëme ; Vive la poésie et vive...
19ème siècle, Étienne Eggis, Poèmes
Votre livre paisible est comme ces clairières Où les myosotis rêvent sous les fraisiers ; Où les brises, du jour folles avant-courières, Baignent leurs doux parfums dans les blancs cerisiers ; Où l’on voit au travers des chênes des carrières L’infini resplendir aux...
19ème siècle, Étienne Eggis, Poèmes
Si Dieu venant vers moi sur l’éclair des tempêtes M’emportait, palpitant, sur un mont soucieux, Et donnant à mon œil le regard des prophètes, Me montrait l’univers que reflètent les cieux ; Et qu’il me dît : Vois-tu ces splendeurs que j’ai faites Combleront à ma voix...
19ème siècle, Étienne Eggis, Poèmes
Comme Dieu dans le sein des mers mystérieuses A dérobé la perle aux yeux des matelots, J’ai, dans mon âme, loin des foules curieuses, Enfoui mon amour et caché mes sanglots. Oh ! de mon cœur blessé le douloureux mystère, Madame, à vos regards restera toujours clos ;...
19ème siècle, Étienne Eggis, Poèmes
Madame, j’écoutais le piano frémissant Sous vos doigts créateurs évoquer tout un monde De rêves embaumés que nulle main n’émonde Et qui montent aux cieux comme un soleil naissant. Je cachais dans mes mains mon front incandescent ; Votre inspiration sublime et...
19ème siècle, Étienne Eggis, Poèmes
Ange terrible et fier, j’aime ta hauteur sombre ! Tu fus plus grand que Dieu, car tu le combattis ; Ton pas fit vaciller comme un vaisseau qui sombre Sur leurs axes nouveaux les cieux dont tu sortis. Le soleil s’éteignit en passant dans ton ombre, l’éternité trembla....
19ème siècle, Étienne Eggis, Poèmes
Quand Christophe Colomb eut enfin découvert Ce continent lointain qu’on croyait chimérique, Il mourut loin du sol qu’il avait entr’ouvert, Et Vespuce donna son nom à l’Amérique. Si la femme portait le nom doux et chéri De son premier amant, Anglais, Français ou Russe,...