19ème siècle, Francis Jammes, Poèmes
Le banc serait de lierre et de pierre effritée. Auprès du vieux parterre où de tristes ricins Ombrageraient la poule et ses petits poussins Je vous dorloterais, ô mon enfant gâtée. Les roses cerisiers à l'écorce argentée, Dont les fruits sont pareils aux coraux...
19ème siècle, Francis Jammes, Poèmes
À M. A. Planté. Les violes grincent, Et les clavecins. Dans le salon bleu, les marquis très minces, Les clames nu-seins, Avec des roideurs de marionnettes Muettes Font un menuet Muet. Ô têtes poudrées ! Les larges yeux noirs, Près du foyer clair aux larges flambées,...
19ème siècle, Francis Jammes, Poèmes
À Eugène Carrière. Voici le grand azur qui inonde la petite ville. Les paysans sont arrivés pour le marché. Des petits enfants ont des bas couleur de cerise. Ils sont venus le long de la fraîcheur des haies. Là-bas, la neige des montagnes casse le ciel. Oh ! que tout...
19ème siècle, Francis Jammes, Poèmes
Voici les mois d'automne et les cailles graisseuses s'en vont, et le râle aux prairies pluvieuses cherche, comme en coulant, les minces escargots. Il y a déjà eu, arrivant des coteaux, un vol flexible et mou de petites outardes, et des vanneaux, aux longues ailes,...
19ème siècle, Francis Jammes, Poèmes
Dont les fils vers les aventures s'en allèrent, avait dit la bonne dame vieille, derrière la grille pleine de roses trémières roses dans l'herbe bleue. Et ce fut une douce chose, lorsque je repassai devant mon lieu natal, devant la petite gare aux vieux catalpas de...
19ème siècle, Francis Jammes, Poèmes
Les genêts luisent dans la lande désolée ; Sur l'ocre des coteaux la bruyère est de sang : Mais tu ne peux guérir mon cœur triste où descend Le souvenir de ma pauvre enfance en allée. Viens : elle est d'émeraude et d'argent la vallée ; Douce comme ta voix, l'eau...
19ème siècle, Francis Jammes, Poèmes
Une petite hutte avec un chien devant…. . Ô ma chère ! Ce soir, cette rose est mouillée. Dans le grand parc, auprès de la grille rouillée, Je l'ai prise pour toi, tout à l'heure, en rêvant. Il bruine au dehors ; viens ici, viens… le vent Dans les lauriers sanglote…. ....
19ème siècle, Francis Jammes, Poèmes
Mon rêve est simple : il est trop simple, ô mon enfant, Peut-être, pour que toi qui m'aimes, le comprennes, — Car les rêves qu'on fait au couvent sont de reines Qui siègent près de rois dont l'air est triomphant. — Le soir, auprès du feu, quand il ferait du vent Et...
19ème siècle, Francis Jammes, Poèmes
Toi, lasse en ton printemps de n'avoir pas aimé, Gamine au doux profil de vierge du Corrège. Tu pleures la saison des amandiers en neige Et les lilas légers du pâle mois de mai. Ô fillette ! Jamais un ami n'a fermé Sur toi, petit oiseau, ses deux bras comme un piège ?...
19ème siècle, Francis Jammes, Poèmes
Tu me vois quelquefois triste, énervé, grincheux, — Quand j'ai fumé surtout mes pipes allemandes En travaillant longtemps — alors, tu me demandes D'où vient l'expression si dure de mes yeux. Tu me dis que mes grands bouquins sont ennuyeux Comme les pins et leurs...
19ème siècle, Francis Jammes, Poèmes
Viens, je te mettrai des boucles d'oreilles de cerises et je te montrerai les longues treilles où volent des merles bleus et des grives. Viens, c'est la saison des grandes chaleurs et des fleurs. Sur les fossés poudreux les carottes blanches poussent : il y a encor...
19ème siècle, Francis Jammes, Poèmes
Tu serais nue sur la bruyère humide et rose, comme ces femmes qu'on apprend en classe, près de chèvres se donnant des coups au bas des prés. Tu dormirais en ne rêvant d'aucune chose, et tes jambes pareilles, tièdes et douces luiraient dans la pluie verte et glacée de...
19ème siècle, Francis Jammes, Poèmes
Tu seras nue dans le salon aux vieilles choses, fine comme un fuseau de roseau de lumière, et, les jambes croisées, auprès du feu rose, tu écouteras l'hiver. À tes pieds, je prendrai dans mes bras tes genoux. Tu souriras, plus gracieuse qu'une branche d'osier, et,...
19ème siècle, Francis Jammes, Poèmes
Tu t'ennuies ? — — Elle dure cette pluie qui est dure. Je prends ma pipe en glaise que j'allume à une braise. Tu es loin et tu penses dans un coin aux vacances. Les pavés par la pluie sont lavés. Je m'ennuie. Aux carreaux blancs, j'écoute tomber l'eau froide en...
19ème siècle, Francis Jammes, Poèmes
Tu viendras lorsque les bruyères au soleil près des routes qui se fendent ont des abeilles. Tu viendras en riant avec ta bouche rouge comme les fleurs des grenadiers et des farouches. Tu lui diras que tu l'aimes depuis longtemps, mais en lui refusant ton baiser en...
19ème siècle, Francis Jammes, Poèmes
« Le rieur alors, d'un ton sage, Dit qu'il craignait qu'un sien ami, Pour les grandes Indes parti N'eût depuis un an fait naufrage. » JEAN DE LA FONTAINE. L. VIII. f. viii. Un gentilhomme, qui fuit la Cour et ses brigues, Donne un repas dans ces beaux lieux si...
19ème siècle, Francis Jammes, Poèmes
À Gustave Kahn. Un jeune homme qui a beaucoup souffert traverse la place du hameau vert. La chaleur est immense. Il passe devant l'auberge et une modeste grille où s'entortillent des roses et de la vigne. La douce hirondelle poursuit les guêpes dans le silence. C'est...
19ème siècle, Francis Jammes, Poèmes
Un nuage est une barre noire au-dessus des pins en nuit, vers six heures. Le ciel luit au fond, comme la mer, le soir. Si tu étais une palombe, et si j'étais un petit lièvre, je me coucherais dans l'ombre douce, violette et longue. J'aplatirais mes oreilles sur mon...
19ème siècle, Francis Jammes, Poèmes
Une feuille morte tombe, puis une autre, des platanes dont la cime au soleil semble de corne pâle, et j'entends des cailloux froids que les hommes cassent. Je ne sais où les fleurs du jardin sont allées. Sous le frisson brillant de la nuit des rosées, les derniers...
19ème siècle, Francis Jammes, Poèmes
À Odilon Redon Neige endolorissante et morne, tu déroules Ta nappe liliale au toit cher que je sais, Neige endolorissante, ô neige qui t'écroules ! Et la maison vieillote aux carreaux verts cassés A des airs de jeunesse et de pâle frileuse Et ne se souvient plus des...
19ème siècle, Francis Jammes, Poèmes
Vieille marine. Enseigne noir galonné d'or qui allais observer le passage de Vénus et qui mettais la fille du planteur nue, dans l'habitation basse, par les nuits chaudes. C'était d'une langueur, c'était d'une tiédeur de fleurs blanches qui, près de vasières, meurent....
19ème siècle, Francis Jammes, Poèmes
À Albert Samain. Silence. Puis une hirondelle sur un contrevent fait un bruit d'azur dans l'air frais et bleuissant, toute seule. Puis deux sabots traînassent dans la rue. La campagne est pâle, mais au ciel gris qui remue on voit déjà le bleu qui chauffera le jour. Je...
19ème siècle, Francis Jammes, Poèmes
Ta figure douce souffrait. Tes larmes que j'ai avalées, petite amie, étaient salées comme une herbe de marée. Elles m'ont mordu la langue… Tu t'en allais tristement prendre l'omnibus lourd et lent, en pleurant que je m'en aille ; et ta bouche sur ma bouche, ta tête...
19ème siècle, Francis Jammes, Poèmes
Tape le linge dans l'eau claire. Tes bras qui ont des fossettes sont beaux. — Tes jambes tu les serres. Tu es la laveuse. Tu jettes Dans l'eau le linge dur et sale des paysans aux douces têtes. Et puis ensuite tu l'étales à des ficelles dans les cours qui sont près de...
19ème siècle, Francis Jammes, Poèmes
Tu écrivais que tu chassais des ramiers dans les bois de la Goyave, et le médecin qui te soignait écrivait, peu avant ta mort, sur ta vie grave. Il vit, disait-il, en Caraïbe, dans ses bois. Tu es le père de mon père. Ta vieille correspondance est dans mon tiroir et...
19ème siècle, Francis Jammes, Poèmes
Tu rirais d'un pauvre diable qui t'aimerait et cependant tu pourrais devenir la chienne d'un homme qui ne t'aimerait pas et rirait. Crois-moi : préfère le pauvre diable sans haine qui serait pour toi très complaisant et très doux. Puis, qu'est-ce qui te dit que, comme...
19ème siècle, Francis Jammes, Poèmes
Quand dans le brouillard qui faisait luire la boue où nageaient les lumières des grands magasins, je m'arrêtais en face des tuyaux de zinc de ta maison ancienne où, la lampe à la joue, tu brodais à côté de ton petit serin, l'odeur des îles sortait par les fentes roses...
19ème siècle, Francis Jammes, Poèmes
Que je t'aime, ô amie, toi qui as dans le sang le sang de tes parentes qui vinrent d'Orient. Tu es pareille à celles qui, dans le Sud, dansent, avec de petits mouchoirs, au son des flûtes. Ô ma petite amie, quand tu as été en chemise, l'autre jour, ta chair dure et...
19ème siècle, Francis Jammes, Poèmes
À Paul Claudel. Le mois de Septembre, expliquent les savants qui ont des bonnets carrés pour voir s'il fait du vent, est soumis au régime de la Balance. À cette époque, les bateaux sur la mer dansent furieusement. Les livres parlent d'équinoxe. J'en ai même vu un où...
19ème siècle, Francis Jammes, Poèmes
Si tu pouvais savoir toute la tristesse qui est au fond de mon cœur, tu la comparerais aux larmes d'une pauvre mère bien malade, à la figure usée, creuse, torturée et pâle, pauvre mère qui sent qu'elle va bientôt mourir et qui déplie pour son enfant le plus petit,...
19ème siècle, Francis Jammes, Poèmes
Les pâturages, au bord des eaux, sont épais. La pluie lourde a couché les blés trempés, et les feuilles des berges sont très vertes, excepté que les saules sont en cendre légère. Les foins, comme des ruches, sont dressés. Les coteaux sont si doux qu'ils semblent...
19ème siècle, Francis Jammes, Poèmes
Les petites colombes de l'escamoteur, la petite colombe et sa petite sœur, devaient souffrir, tous les jours, dans la petite boîte, dans la chambre d'hôtel, — et puis encore quand, le soir, elles étaient dans la manche de l'habit noir et qu'elles sortaient à la...
19ème siècle, Francis Jammes, Poèmes
À Madame Jeanne Charles Lacoste. Les villages brillent au soleil dans les plaines, pleins de clochers, de rivières, d'auberges noires, au soleil ou sous la pluie grise ou dans la neige avec des cris aigus de coqs, avec des blés, avec des chars qui vont lentement aux...
19ème siècle, Francis Jammes, Poèmes
Lorsque je serai mort, toi qui as des yeux bleus couleur de ces petits coléoptères bleu de feu des eaux, petite jeune fille que j'ai bien aimée et qui as l'air d'un iris dans Les fleurs animées, tu viendras me prendre doucement par la main. Tu me mèneras sur ce petit...
19ème siècle, Francis Jammes, Poèmes
Ô toi, Rose moussue et blonde, à tes oreilles, Que mes vers chantent comme un murmure d'abeilles. Que mon regard, vers toi glisse comme la Nuit Qui glisse et qui t'endort sous l'or dont elle luit ! Que je te charme en invocations très douces, — Comme les chants de la...
19ème siècle, Francis Jammes, Poèmes
Oh ! ce parfum d'enfance dans la prairie trempée d'eau et d'azur, parfum de pieuse jonchée de joncs-fleuris sous les pas de processions des hameaux noirs, parfum de fougère écrasée au soir d'un jour torride, quand les inflexions des chants ne peuvent pas mourir et que...
19ème siècle, Francis Jammes, Poèmes
À Mademoiselle M. R. On dit qu'à Noël, dans les étables, à minuit, l'âne et le bœuf, dans l'ombre pieuse, causent. Je le crois. Pourquoi pas ? Alors, la nuit grésille : les étoiles font un reposoir et sont des roses. L'âne et le bœuf ont ce secret pendant l'année. On...
19ème siècle, Francis Jammes, Poèmes
À Raymond Bonheur. On m'éreinte dans le Musée des familles, moi qui chante les anciens magazines et les rires charmants des jeunes filles qui le lisaient à l'ombre des charmilles. Une d'elles, rêveuse, et ses yeux bleus au ciel, le coude à son genou et la main au...
19ème siècle, Francis Jammes, Poèmes
À A. G. Dans le petit jardin d'amour de votre vie, avec vos lauriers doux faites une tonnelle où vous reposerez pareil à l'air, et elle comme l'eau de cet air que l'on voit dans le puits. La campagne prie pour vous sa naïveté. Nous vivons orgueilleux loin des choses...
19ème siècle, Francis Jammes, Poèmes
À Laurent Deville. Pourquoi les bœufs traînent-ils les vieux chars pesants ? Cela fait pitié de voir leur gros front bombé, leurs yeux qui ont l'air de souffrance de tomber. Ils font gagner le pain aux pauvres paysans. S'ils ne peuvent plus marcher, les vétérinaires...
19ème siècle, Francis Jammes, Poèmes
Les dimanches, les bois sont aux vêpres. Dansera-t-on sous les hêtres ? Je ne sais… Qu'est-ce que je sais ? Une feuille tombe de la croisée… C'est tout ce que je sais. . L'église. On chante. Une poule. La paysanne a chanté, c'est la fête. Le vent dans l'azur se roule....
19ème siècle, Francis Jammes, Poèmes
À Pierre Loti Les grues sont passées dans le ciel gris et leurs longues lignes filaient en grinçant, cris de neige et d'ombre ; c'est la saison où l'on va pour orner les tombes. Les misérables, les aveugles mendieront avec leurs mains rouges et luisantes. Ils iront...
19ème siècle, Francis Jammes, Poèmes
Le chat est auprès du feu ; le pot bout. Cette cuisine est très noire et deux saucisses rouges sont au bout d'une vieille canne noire. Il pleut sur le vitrage de la cour. Les vitres sont toutes noires, et dehors la pluie qui est fine court devant les fenêtres noires....
19ème siècle, Francis Jammes, Poèmes
Le pauvre chien a peur, il marche dans la neige et s'arrête. Les enfants lui crient : allez couchéééé ! Le ciel est en argent, en ombre, en cendre, et l'on n'entend pas les pas taper la rue sourde et froide sans son. Une laitière passe et, pour ne pas tomber, tremble....
19ème siècle, Francis Jammes, Poèmes
Le pauvre pion doux si sale m'a dit : j'ai Bien mal aux yeux et le bras droit paralysé. Bien sûr que le pauvre diable n'a pas de mère Pour le consoler doucement de sa misère. Il vit comme cela, pion dans une boîte, Et passe parfois sur son front froid sa main moite....
19ème siècle, Francis Jammes, Poèmes
Le paysan, le soir, vient de la foire et toutes ses brebis marchent avec lui le long des routes. Il y a des veaux qui ne veulent pas marcher et il est obligé, pour les faire avancer, de les tirer par le cou avec une corde. Mais les veaux aux museaux blancs et morveux...
19ème siècle, Francis Jammes, Poèmes
À Charles de Bordeu Le soleil faisait luire l'eau du puits dans le verre. Les pierres de la ferme étaient cassées et vieilles, et les montagnes bleues avaient des lignes douces comme l'humidité qui luisait dans la mousse. La rivière était noire et les racines d'arbres...
19ème siècle, Francis Jammes, Poèmes
À Henri Ghéon. Le vent triste souffle dans le parc, comme dans un livre que je lus enfant, où une écolière perdue était hagarde. Le vent. Il va casser, peut-être, le tulipier. Il fait voir le dessous des feuilles blanc du vernis du Japon qu'il semble essuyer, Le vent....
19ème siècle, Francis Jammes, Poèmes
À André Gide. Le vieux village était rempli de roses et je marchais dans la grande chaleur et puis ensuite dans la grande froideur de vieux chemins où les feuilles s'endorment. Puis je longeai un mur long et usé ; c'était un parc où étaient de grands arbres, et je...
19ème siècle, Francis Jammes, Poèmes
Les badauds faisaient des expériences où l'on voyait la foule en pantalons courts. On tirait des étincelles avec ignorance et on risquait d'être foudroyé du coup. On montait des ballons ornés comme un théâtre. Ils n'allaient pas bien et on se tuait. Les frères...