Les gas ! apportez la darniér’ bouteille Qui nous rest’ du vin que j’faisions dans l’temps, Varsez à grands flots la liqueur varmeille Pour fêter ensembl’ mes quat’er vingts ans… Du vin coumm’ c’ti-là, on n’en voit pus guère, Les vign’s d’aujord’hui dounn’nt que du...
Des gâteux qu’on dit immortels, Des louftingues en redingote L’adorent au pied des autels De leur ligue de patriotes : Des écrivassiers de mon cul En touchants mélos d’ambigu Ou romances pour maisons closes Nous chantent cette horrible chose : La Guerre ! Oui mais, si...
Un gosse qui n’a pas sept ans Chiale au sortir du vieux faubourg Où ça serti la peine et l’amour Et je m’arrête, là longtemps : Moi, dont le cœur saigne ce soir Tout rouge, en un silence atroce. Je m’arrête sur le trottoir A regarder chialer ce gosse… Refrain Pleure,...
Les Bohémiens, les mauvais gas Se sont am’nés dans leu’ roulotte Qui geint d’vieillesse et qui cahotte A la queu’ d’un ch’val qui n’ va pas ; Et, pour fair’ bouilli’ leu’ popote, Nos biens ont subi leu’s dégâts. Ah ! mes bonn’s gens ! J’ai ben grand’peine ! Ces gueux...
Lorsque nous passions sur le bord du fleuve Au temps où l’Amour murmurait pour nous Sa chanson si frêle encore et si neuve, Et si douce alors en les soirs si doux Sans songer à rien, trouvant ça très drôle, De la berge en fleurs où mourait le flot, Comme des gamins au...
Les oies qui traînent dans le bourg Ainsi que des commères grasses Colportant les potins du jour, En troupeaux inquiets s’amassent. Un gros jars qui marche devant Allonge le cou dans la brume Et frissonne au souffle du vent De Noël qui gonfle ses plumes… Noël ! Noël !...
Hier, la chatt’ gris’ dans un p’quit coin D’ nout’ guernier, su’ eun’ botte de foin, Alle avait am’né troués p’quits chats ; Coumm’ j’pouvais pas nourri’ tout ça, J’ les ai pris d’eun’ pougné’ tertous En leu-z-y attachant eun’ grouss’ piarre au cou. Pis j’ m’ai mis en...
Printemps Le printemps va bientôt naître. Les hirondelles Pour que l’azur s’en vienne égayer son berceau Fendent le crêpe du brouillard à grands coups Prestes et nets ainsi que des coups de ciseaux. Des rustres stupides et des corbeaux voraces Qui s’engraissaient...
Mes vieux, autant que j’ m’en rappelle, Avint eun’ bell’ maison en tuile : l’s m’él’vint coumme eun’ demouéselle Et j’allais au couvent d’ la ville, Pis, crac ! … V’là les mauvais’s années ! La bell’ maison qu’est mise en vente, Toute ma famill’ qu’est ruinée, Et moué...
Pas ça, vieux gâs ! V’là qu’tu prends d’l’âge, Faudrait vouèr à vouèr à t’caser ; Tant qu’à faire, aut’ part qu’au village, Pasqu’au villag’ faut trop masser Pour gangner sa bouguer’ de vie ! Dis donc, ça n’te fait point envie ? … Si j’étais que d’toué, j’me mettrais...
Je suis parti ce matin même, Encor soûl de la nuit mais pris Comme d’écœurement suprême, Crachant mes adieux à Paris… Et me voilà, ma bonne femme, Oui, foutu comme quatre sous… Mon linge est sale aussi mon âme… Me voilà chez nous ! Ma pauvre mère est en lessive…...
Aujourd’hui le temps est épouvantable : Il pleut et mon cœur s’embête à pleurer. J’ai pris, d’un paquet traînant sur ma table, Une cigarette au fin bout doré ; Et j’ai cru te voir en toilette claire Avec tous tes ors passés à tes doigts, Traînant par la vie, élégante...
A Catulle Mendès. Sur ce couvercle de tombeau Elle dort. L’obscur artiste Qui l’a sculptée a vu le beau Sans rien de triste. Joignant les mains, les yeux heureux Sous le voile des paupières, Elle a des rêves amoureux Dans ses prières. Sous les plis lourds du vêtement,...
Le vieux meunier dort, au fond d'un cercueil De chêne et de plomb, sous six pieds de terre, Et, dans le val plein d'ombre et de mystère, Le moulin repose en signe de deuil. La nuit a drapé ses murs de longs voiles Crêpes aux plis noirs et silencieux, Et sur le velours...
Il était une fois un gars si laid, si laid Et si bête ! qu'aucune fille ne voulait Lui faire seulement l'aumône d'un sourire ; Or, d'avoir trop longtemps souffert l'affreux martyre De ne pas être aimé lorsque chante l'amour, Le pauvre gars s'en vint à mourir un beau...
(Chanson) Dans ce temps-là, je n'avais rien, Rien du tout dans mon escarcelle, Et ma lyre était tout mon bien ; Dans ce temps-là je n'avais rien Que de grands trous à mon pourpoint Et le cœur de ma damoiselle. Dans ce temps-là je n'avais rien, Rien du tout dans mon...
Quand les nouveau-nés, en leurs langes Dorment sur les bras des marraines Tels, de doux et blonds petits anges Tombés des étoiles sereines Digue digue dig, digue digue don ! Chante aux enfançons le grand carillon Digue digue dig, digue digue don ! Pour qu'on vous...
Gueux, qu’avions-nous jusqu’à ce jour ? — De l’or, pas un sou ! Du sol, pas un pouce ! Notre âge nous livre l’amour, Blond trésor et vigne aux vendanges douces ! Mais voici qu’on veut nous voler Trois ans d’un bonheur éclos hier à peine. Et voici qu’on veut affubler...
Ben oui, notre amour était mort Sous les faux des moissons dernières, (La javelle fut son suaire ...) Ben oui, notre amour était mort, Mais voici que je t'aime encor ! Pan pan ! pan pan ! à grands coups sourds, Comme lorsqu'on cloue une bière, J'ai battu les gerbes...
Comme s'effeuille une rose L'amante dolente aux traits Ravagés par la chlorose Est morte au soir des regrets Et sur le bord de sa fosse Le vieux prêtre au dos cassé A glapi de sa voix fausse Requiescat in pace !... Et maintenant pauvre chère Elle git loin du soleil...
Je suis à poil et cependant Je ne suis pas chez ma voisine Sur moi la toise en descendant A fait un bruit de guillotine Et voici monsieur le major Être doux comme le tonnerre Qui me palpe et me palpe encore D'un geste de vétérinaire Refrain Alors sans bouger le...
Madame, c'est moi qui viens. Moi, cela ne vous dit rien ! Je viens vous chanter quand même Ce que mon cœur a rimé Et si vous voulez m'aimer ? Moi : c'en est un qui vous aime ! Oh ! vos mains, dont les pâleurs Bougent, en gestes de fleurs Qu'un peu de brise caresse !...
Nous sommes les crève-de-faim Les va-nu-pieds du grand chemin Ceux qu'on nomme les sans-patrie Et qui vont traînant leur boulet D'infortunes toute la vie, Ceux dont on médit sans pitié Et que sans connaître on redoute Sur la grand'route. Nous sommes nés on ne sait où...
Dame ! vois-tu les grands blés d'or Sous les couchants de Messidor Saillir longs et droits de la glèbe. Ils ne sont pas encor si longs Que les flots de tes cheveux blonds Où je cache mon front d'éphèbe. Dame ! écoute la voix du vent Dont l'aile caresse en rêvant Une...
Sous les étoiles de septembre Notre cour a l'air d'une chambre Et le pressoir d'un lit ancien ; Grisé par l'odeur des vendanges Je suis pris d'un désir Né du souvenir des païens. Couchons ce soir Tous les deux, sur le pressoir ! Dis, faisons cette folie ?... Couchons...
Dans vos yeux J'ai lu l'aveu de votre âme En caractères de flamme Et je m'en suis allé joyeux Bornant alors mon espace Au coin d'horizon qui passe Dans vos yeux. Dans vos yeux J'ai vu s'amasser l'ivresse Et d'une longue caresse J'ai clos vos grands cils soyeux. Mais...
L'an dernier, je les vis encor Le petit frère aimable et rose Dans sa tunique à boutons d'or Avec sa sœur que la chlorose Emportait - oh ! bien doucement - Vers la tombe muette et blanche. Je les vis en me promenant Sur le boulevard, le dimanche Suivis de leur père,...
Un soir d'hiver, quand de partout, Les corbeaux s'enfuient en déroute, Dans un fossé de la grand'route, Près d'une borne, n'importe où Pleurant avec le vent qui blesse Leurs petits corps chétifs et nus, Pour souffrir des maux trop connus, Les gueux naissent. Pour...
Le soir, quand paraît la première étoile, Les cœurs de tous ceux qui sont morts d'amour Viennent vers la terre et fendent le voile Qui les cache aux yeux des vivants, le jour. Alors, dans la nuit brune et fantastique, Leur sang meurtri pleut et retombe en pleurs Sur...
A ma dame. Ton âme avait alors la blancheur des grands lys Que berce la chanson des vents rasant la terre ; L'Amour était encor pour toi tout un mystère, Et la sainte candeur te drapait dans les plis De sa robe... Ce fut par les bois reverdis, A l'heure où dans le...
Le soir étend sur les grands bois Son manteau d'ombre et de mystère ; Les vieux menhirs, dans la bruyère Qui s'endort, veillent et des voix Semblent sortir de chaque pierre. L'heure est muette comme aux temps Où, dans les forêts souveraines, Les vierges blondes et...
(Légende du Moyen Age) Le beau chevalier était à la guerre... Le beau chevalier avait dit adieu A sa dame aimée, Anne de Beaucaire Aux yeux plus profonds que le grand ciel bleu. Le beau chevalier, à genoux près d'elle, Avait soupiré, lui baisant la main : " Je suis...