Un quart d'heure de dévotion - Hégésippe Moreau

Vous demandez, amis, comment s'est échappée De ma plume profane une sainte épopée ? Écoutez : l'âme en deuil, et la tristesse au front, Un soir, je visitai Saint-Étienne du Mont. À cette heure sacrée, heure où la nuit commence, Quelques rares chrétiens peuplent seuls...

Le Poëte en province - Hégésippe Moreau

Le moi présomptueux de Montaigne et de Sterne Est mal reçu, venant d'un auteur subalterne ; Mais comme un premier-né, Diogène m'est cher ; Je ne distingue pas mon œuvre de ma chair, Et je dois me laver des reproches qu'on lance Tantôt à mes discours, tantôt à mon...

Les Noces de Cana - Hégésippe Moreau

De Cana l'on sait l'aventure, Mais d'un vieux grimoire je tiens Quelques détails, dont l'Écriture N'a pas égayé les chrétiens. Un peu gourmet, quoi qu'on en dise, Le Bon Dieu, qui s'était grisé, Se permit mainte gaillardise Dont Judas fut scandalisé. Car chaque apôtre...

L'Apparition - Hégésippe Moreau

Ô vous ! qui, recueillant ma première parole, Au ménestrel quêteur glissâtes votre obole, Je vous devais un hymne, et je soupire un lai ; Au poëte insolvable accordez un délai. J'ai promis d'exploiter les trésors de nos fastes ; À tous nos jours de gloire, à tous nos...

L'Enfant maudit - Hégésippe Moreau

Autrefois dans Bagdad, la ville des merveilles, Grandissait Abdallah, fils du cheik El-Modi, Que les derviches et les vieilles, Dont ses propos moqueurs échauffaient les oreilles, Nommaient dans leur colère Abdallah le Maudit. Il n'avait, orphelin, ni mère ni sœur...

L'Hiver - Hégésippe Moreau

Adieu donc les beaux jours ! Le froid noir de novembre Condamne le poëte à l'exil de la chambre. Où riaient tant de fleurs, de soleil, de gaîté, Rien, plus rien ; tout a fui comme un songe d'été. Là-bas, avec sa voix monotone et touchante, Le pâtre seul détonne un...

L'Île des bossus - Hégésippe Moreau

Conte-chanson Dans le pays des bossus, Il faut l'être Ou le paraître : Les dos plats sont mal reçus Au pays des bossus. Un jour, le vent moqueur y jette Un puîné de Jean de Calais ; Jean débarque et prend sa lorgnette : « Tudieu ! que ces magots sont laids ! » Et...

L'Isolement - Hégésippe Moreau

À Madame Douday-Dupré De mon riche avenir vous voilà créancière, Madame ; quand l'oubli me jetait en poussière, Sur moi, poëte obscur, l'autre jour, en passant, Vous laissâtes tomber un mot compatissant. Un mot, voilà tout… mais, quand vous fûtes passée, Cette parole...

Merlin de Thionville - Hégésippe Moreau

Français régénérés de la grande semaine, Suivons le deuil nouveau que la Liberté mène ! Elle perd chaque jour ses derniers vétérans, Et, comme Niobé, meurt sur ses fils mourants… Hélas ! quand le tribun du peuple et de l'armée, Merlin de Thionville est mort, la...

Mil huit cent trente-six - Hégésippe Moreau

(Décalogue.) « Tu ne tueras pas ! » Dieu l'ordonne, et je vous en prie, Moi qui vais chantant sur vos pas ; Même pour sauver le patrie, O mes frères, ne tuez pas ! Quand cette arme qui fume encore A tonné, mon vers tricolore Recula soudain blanc d'effroi ; Ma pitié...

Épitre au général La Fayette - Hégésippe Moreau

Est-il vrai ? La Fayette, après ce long voyage, Sans cesse ralenti par un nouvel hommage, Convié par l'amour à nos banquets obscurs, Fait passer aujourd'hui son triomphe en nos murs ! Des fleurs que l'on jetait naguère à la puissance, Citoyens, couronnez la gloire qui...

La Nuit de la Toussaint - Hégésippe Moreau

1er couplet. — Ma porte, Julien, quel dommage ! S'ouvrit d'elle-même à tes pas : C'est aux Saints qu'il faut rendre hommage ; Julien, les Amours n'en sont pas. À ma patronne, à la vierge Marie N'insultons pas quand le pénitent crie… (Une voix dans la rue)...

La Sœur du Tasse - Hégésippe Moreau

Dans l'ombre de mon cœur mes plus fraîches amours, Mes amours de seize ans refleuriront toujours. Brizeux Oh ! bien avant Mercœur, la Sapho de la Loire, Le poëte a servi de pâture à la gloire, Sphinx dévorant qui veille aux portes de Paris ; Et peut-être (qui sait ?)...

Lacenaire poëte - Hégésippe Moreau

… Mais, dira-t-on, il fait des vers ? — C'est donc une denrée bien rare que les vers ? J. J. Quand il faisait des vers dans sa dernière veille, Crédule aux mille voix qui répétaient : Merveille ! Il est donc vrai, disais-je, un poëte voleur ! Un poëte assassin ! hélas...

Le Hameau incendié - Hégésippe Moreau

Dans ces bois, où souvent une muse chérie S'est révélée à moi comme une autre Égérie, Hier, épouvanté, je vis à l'horizon, Où riait un hameau, fumer un noir tison, Et j'osai blasphémer : Oh ! si j'étais l'Archange Que Dieu fait voyager dans nos chemins de fange, Le...

Le Parti bonapartiste, à Joseph Bonaparte - Hégésippe Moreau

Et toi, vieillard, aussi ! tu viens dans le champ clos Où la plume combat, où l'encre coule à flots, Jeter aux factions, disputant la puissance, En forme de cartel un acte de naissance ! À travers les grands noms, refrain de nos débats, Ton nom mystérieux est prononcé...

Chanson patriotique des danseuses de l'opéra - Hégésippe Moreau

Pour fêter l'anniversaire de la Révolution de Juillet De politique et cœtera S'occupant après boire, Les dames du grand Opéra Hier chantaient : Victoire ! À s'émanciper aussi Les Amours ont réussi : Aux marchands de lorgnettes Juillet du moins à profité. Vivent les...

Diogène, fantaisie poétique - Hégésippe Moreau

Du fond de son tonneau, tribune populaire, Il exhalait sans peur sa maligne colère ; La censure pour lui n'avait pas de bâillons, Le glaive de la loi respectait ses haillons. Au passant, dont l'aumône était sa nourriture, En revanche il jetait quelque sot en pâture ;...

Épitre à M. Firmin Didot, sur l'Imprimerie - Hégésippe Moreau

Quand les muses, pleurant la gloire de la France, Avec des souvenirs lui rendent l'espérance, Poëte et citoyen, de quel œil peux-tu voir Une ligue hypocrite alarmer le pouvoir, Et, frappant au guichet de Sainte-Pélagie, Tantôt pour la chanson, tantôt pour l'élégie,...

À Henri V - Hégésippe Moreau

Henri Cinq ! à ce nom n'augurez point d'outrage Pour l'héritier des lis, emporté par l'orage. Où l'on salue un roi, je ne vois qu'un enfant, Et respecte le front que sa candeur défend. Pourquoi te maudirai-je ? infortuné ! sans doute, Tu hais la royauté plus qu'on ne...