Nous faisons de ce fresle, et variable cors Comme les vieus manants qui par un long usage Devenus habitants de quelque beau village S'y tiennent au milieu de mille et mille torts. Mille especes d'ennuis, mille traits de remorts Precipitant sur nous l'aigreur de leur...
Quelquefois les chevaux vont caparaçonnés De drap d'or et d'argent, richesse inestimable ; Toutefois, arrivés en la fumante étable, On leur ôte l'habit duquel ils sont ornés. Et ne leur reste rien sur les dos étonnés Que lasseté, sueur et plaie dommageable Dont...
S'il veut contre-peser ses heurs, et ses mal-heurs Celuy qui bien-heureus sur tout autre se nomme Il se reputera le plus mal-heureus homme Qui respire de l'air les vitales chaleurs : Voire tu ne voudrois à souffrir les douleurs, Et travaus de l'esprit, dont sans cesse...
Si le simple enfançon, et le fol irrité Ne craignent de la mort l'indomtable puissance, Sages, aurons nous moins de force et d'asseurance Qu'en fournit leur sottice et leur simplicité ? L'homme engendré du tems, voit de necessité Empires, et Citez fleschir leur...
C'est l'indiscretion, ou bien l'impatience Qui nous haste à la mort, quiconque se soutient Sur la ferme vertu, constant il se maintient Voire mesme au milieu de l'humaine inconstance. Il y à beaucoup plus de force et d'asseurance A trainer et user la chaine qui nous...
Cest Océan battu de tempeste et d'orage Me venant à dedain, et le desvoyement De mon foible estomach prompt au vomissement Me faisoit desja perdre, et couleur, et courage, Quant pour me deslivrer des perils du naufrage, D'un plus petit batteau je passay vistement Dans...
Comte les ans, les mois, les heures et les jours Et les poins de ta vie, et me dis mal-habile, Où ils s'en sont allés comme l'ombre fragile Ils se sont escoulez sans espoir de retour. Nous mourons et nos jours roulent d'un viste cours L'un l'autre se poussans comme...
Las ! pourquoy nous fais tu, ô monde abominable Ce que nous aymions ore a ceste heure hair Ce que nous deffendions à main forte envahir Ce que nous attestions le tenir detestable ? Ce que nous agreions, l'avoir desagreable Ce dont nous nous rions, or nous en esbahir...
Les poissons escaillez aiment les moites eaus, Les fleuves et les lacs : les animaus sauvages Aiment les bois touffus, les creus et les boccages. Et l'air dous et serain est aimé des oiseaus : Les grillons babillars aiment l'email des preaus S'esgayant au Printems...
Est-il rien de plus vain qu’un songe mensonger, Un songe passager vagabond et muable ? La vie est toutefois au songe comparable Au songe vagabond muable et passager : Est-il rien de plus vain que l’ombrage leger, L’ombrage remuant, inconstant, et peu stable ? La vie...
Notre vie est semblable à la lampe enfumée, Aux uns le vent la fait couler soudainement, Aux autres il l'éteint d'un subit soufflement Quand elle est seulement à demi allumée, Aux autres elle luit jusqu'au bout consumée, Mais, en fin, sa clarté cause son brûlement :...
Heureus le serviteur officieus, et dextre Que le maistre benin au logis treuvera Faisant sa volonté, quant il retournera Gouverneur de ses biens il le fera seul estre : Mais le valet hautain, presumptueus, et traistre Oubliant son devoir, en soy-mesme dira...
Nous n'entrons point d'un pas plus avant en la vie Que nous n'entrions d'un pas plus avant en la mort, Nostre vivre n'est rien qu'une eternelle mort, Et plus croissent nos jours, plus decroit nostre vie : Quiconque aura vescu la moitié de sa vie, Aura pareillement la...
Il ny à si grossier qui ne connoisse bien Devoir un jour mourir, et toutefois quant l’heure De la mort est venue, il se tourmente, et pleure Desireus de sa perte, et jalous de son bien. N’a il pas bien faillu que pere et mere tien Homme sans jugement, auparavant toy...
Où pourra-t-on trouver en ce val de misère Un lieu tant arrêté dont tu ne chèses bas, Considérant d'Héli l'inopiné trépas, Mourant en sa maison assis sur une chaire ? C'est faute de raison quand, timide, on révère Le monde déguisé dont les gluants appas Quelque...
La calme meinte-fois fort longuement arreste Les matelots en mer, au contraire le vent Halenant à souhait les ameine souvent Au port avant le tems libre de la tempeste. Ainsi la vie humaine à la haste nous jette Au lieu où peu à peu nous allions arrivant, Quelquefois...
Qu'est-ce de votre vie ? une bouteille molle Qui s'enfle dessus l'eau, quand le ciel fait pleuvoir Et se perd aussitôt comme elle se fait voir, S'entre-brisant à l'heurt d'une moindre bricole : Qu'est-ce de votre vie ? un mensonge frivole Qui sous ombre du vrai nous...
Mortel pense quel est dessous la couverture D’un charnier mortuaire un cors mangé de vers, Descharné, desnervé, où les os descouvers, Depoulpez, desnouez, delaissent leur jointure : Icy l’une des mains tombe de pourriture, Les yeux d'autre costé destournez à l’envers...
Quant bien un homme droit condamné par la rage Des calomniateurs sur l'eschaffaut sanglant Verroit choir sur son col le coutelas tremblant, Joüant devant le monde un triste personnage : N'estime pour autant d'un jugement peu sage Son deces mal-heureus : tel dans un...
N’est-ce pas la raison que le proffit redonde Au lieu duquel il sort ? Et que dedans la mer Les fleuves ondoyans se viennent renfermer, Puisque de la mer mesme ils derivent leur onde ? Ce n’est donc point à tort que la terre profonde Doit un jour repeter, pourrir, et...
À beaucoup de danger est sujette la fleur, Ou l'on la foule aux pieds ou les vents la ternissent, Les rayons du soleil la brûlent et rôtissent, La bête la dévore, et s'effeuille en verdeur : Nos jours entremêlés de regret et de pleur À la fleur comparés comme la fleur...
Si tu meurs en jeunesse, autant as tu gousté D'amour, et de douceur durant ce peu d'espace, Que si de deus cens ans tu par-faisois la trace, Nul plaisir est nouveau sous le ciel revouté : Pour boire plusieurs fois le ventre degousté N'en est de rien plus soul, la...
Pour un petit moment que tu dois vivre au monde Pourquoy te bastis tu une habitation De si haute grandeur que sa construction Semble chocquer du ciel la cambreure profonde ? Cain fust le premier qui sur la terre ronde Dressa une cité, duquel l’invention Incontinant en...
Assies toy sur le bort d'une ondante riviere Tu la verras fluer d'un perpetuel cours, Et flots sur flots roulant en mille et mille tours Descharger par les prèz son humide carriere. Mais tu ne verras rien de ceste onde premiere Qui n'aguiere couloit, l'eau change tous...
Tantost la crampe aus piés, tantost la goute aus mains, Le muscle, le tendon, et le nerf te travaille ; Tantost un pleuresis te livre la bataille, Et la fievre te poingt de ses trais inhumains ; Tantost l'aspre gravelle espaissie en tes reins Te pince les boyaus de...
Quand le fruit est cueilli la feuille ternissante Est de nulle valeur ; quant les raisins contrains Ont passez par deus fois sous les pressoirs estrains On jette à l’abandon la pressure fumante. Le moulin s’allentit, quant la meule tournante Pour exercer son tour n’a...
Cet océan battu de tempête et d'orage Me venant à dédain et le dévoiement De mon faible estomac prompt au vomissement Me faisait déjà perdre et couleur et courage, Quand, pour me délivrer des périls du naufrage, D'un plus petit bateau je passai vitement Dans un...
Archimede abusé pendant que tu t’abuse A peindre sur la poudre, et d’un baston d’airain Tracer un cercle rond, l’exercite Romain Surprent, sans y penser, ta chere Syracuse. Homme mal advisé, pendant que tu t’amuse A mille fols pensers, le trespas incertain Meurdre,...
Sçais tu que cest de vivre ? autant comme passer Un chemin tortueus, ore le pié te casse, Le genou s’afoiblist, le mouvement se lasse Et la soif vient le teint de ta levre effacer ; Tantost il t’y convient un tien ami laisser, Tantost enterrer l’autre, ore il faut que...
Comme petits enfants d'une larve outrageuse, D'un fantôme, ou d'un masque, ainsi nous avons peur, Et redoutons ta mort, la concevant au cœur Telle comme on la fait, hâve, triste, et affreuse : Comme il plaît à la main ou loyale, ou trompeuse Du graveur, du tailleur,...
Arrivant au logis pour un petit quart d’heure Que le passant y doit seulement sejourner, Il ne s’adonne point à rompre et retourner, Demolir ou bastir le lieu de sa demeure ; Estranger vagabond sur la terre peu seure, Ne travailles point tant à briguer et vener Ces...
Va par les carrefours des places desolees De l’emperiere Rome, et sous les arcs bossez, Et dans les temples sains à l’antique dressez, Cherches des roys deffuns les riches Mausaulees, Va sous les fondemens des colomnes moulees, Et parmi les meulons des Thermes...
Compte les ans, les mois, les heures et les joursEt les points de ta vie, et me dis, malhabile,Où ils s'en sont allés : comme l'ombre fragileIls se sont écoulés sans espoir de retour. Nous mourons et nos jours roulent d'un vite coursL'un l'autre se poussant comme...
Ce monde composé d’un discordant accort Fait toute chose humaine aller à son contraire, Et sous le mouvement du monde elementaire Il n’est rien de certain que le coup de la mort. La mort passe par tout, dez l’oëst jusqu’au Nort Des le Sus jusqu’à l’Est, le meurdrier...
Veu que tous estoint mors un seul est mort pour tous Et si est mort pour tous afin que ceus qui vivent Ne vivent plus à eus mais la volonté suivent De celuy qui de mort rescussita pour nous. Il fust né d’une Vierge, et se soumit pour tous Asservi à la loy, afin que...
J'ay voulu voyager, à la fin le voyage M'a fait en ma maison mal content retirer. En mon estude seul j'ay voulu demeurer, En fin la solitude a causé mon dommage. J'ay volu naviguer, en fin le navigage Entre vie et trespas m'a fait desesperer. J'ay voulu pour plaisir...
Ce qui semble perir se change seulement L’Esté est il passé ? l’an suivant le rameine Voit on noircir la nuit ? la lumiere prochaine Redore incontinant l’azur du firmament : Le rayonnant Soleil d’un pareil mouvement Par l’escharpe du ciel tous les jours se promeine Et...
Vous quiconque allechez des voluptez charnelles Que vous humez, gloutons, en ce cors terrien, Ne pouvez sans horreur dissoudre le lien Qui detient en prison vos ames criminelles : Ainçois tremblants de peur quant les pointes mortelles Taschent vous renvoyer au sejour...
L'enfance incontinent meurt devant la jeunesse, L'adolescence fait la jeunesse mourir, La virilité fait au monument courir L'âge d'adolescence où l'amour nous oppresse, La virilité cède à la morne vieillesse, La mort fait le surgeon de vieillesse tarir, Le jour du...
Celuy quiconque apprend à mourir constamment Des-aprent à servir, et ny à violence, Torture, ny prison dont l’extreme souffrance Rompe de ses desseins le stable fondement. Mediter à la mort, cest le commencement De vivre en liberté ; douteusement balance Sans...
L'enfance n'est sinon qu'une stérile fleur, La jeunesse qu'ardeur d'une fumière vaine, Virilité qu'ennui, que labeur, et que peine, Vieillesse que chagrin, repentance, et douleur ; Nos jeux que déplaisirs, nos bonheurs que malheur, Nos trésors et nos biens que...
Chacun le mieus qu’il peut souffre en l’hostellerie Les incommoditez d’une mauvaise nuit, Resou de s’en aller au premier jour qui suit, Dormir en sa maison sans crainte et fascherie. Endure constamment la haine et la furie, Les tavaus et tourment de ce monde seduit,...
Le malade affligé de la palle jaunisse Treuve le miel amer, le fievreux tremblotant Au fort de son exces va le flot souhaitant. Preferant l'appetit à la santé propice : Ainsi le fol mondain corrompu en son vice De la loy du Seigneur l'amour ne va goustant : Il court à...
Desires-tu savoir à quoi je parangonne Le fuseau de tes ans ? Au savon blanchissant Soufflé par un tuyau de paille jaunissant, Dont un fol enfançon ses compagnons étonne ; En son lustre plus beau sa gloire l’abandonne, Au moindre choc de l’air, fragile, se froissant ;...
Le temps ne bouge point et jamais ne repose, La vie instable fuit et ne chemine pas, Fortune escrime et bat sans remuer les bras, Le monde nous dépêche et n'en savons la cause. L'ami avec l'ami se trompe à lèvre close, La chair sans le sentir consomme nos ébats,...
Durant l’aspre saison des froidureus hyvers Il semble aus regardans que les arbres ternissent Et, toutefois, les troncs en terre se nourrissent D’où sortent au Printems tant de fleurons divers. C’est alors que les chams et que les prez sont vers, Mais au chaud de...