19ème siècle, Jules Barbey d'Aurevilly, Poèmes
Oui ! restons masqués pour le monde ! Il ne vaut pas ce qu'il verrait Dans notre intimité profonde, S'il en surprenait le secret ! Il en abuserait, sans doute ; Il est si cruel et si bas ! Ma Clara, pour toi je redoute Ce que, toi, tu ne connais pas ! Toi, tu ne...
19ème siècle, Jules Barbey d'Aurevilly, Poèmes
Je pris pour maître, un jour, une rude maîtresse, Plus fauve qu'un jaguar, plus rousse qu'un lion ! Je l'aimais ardemment, âprement, sans tendresse, Avec possession plus qu'adoration ! C'était ma rage, à moi ! la dernière folie Qui saisit, ? quand, touché par l'âge et...
19ème siècle, Jules Barbey d'Aurevilly, Poèmes
A mon grand ami le comte Roselly de Lorgues Le Jour meurt, — et la Nuit met le pied sur sa tombe Avec le noir orgueil d'avoir tué le Jour. De la patère au sphinx l'épais rideau retombe, Et le salon désert dans son vaste pourtour A pris des airs de catacombe. Et les...
19ème siècle, Jules Barbey d'Aurevilly, Poèmes
À Georges Landry. Un soir, dans la Sierra, passait Campéador. Sur sa cuirasse d'or le soleil mirait l'or Des derniers flamboiements d'une soirée ardente Et semblait du héros la splendeur flamboyante ! Il n'était qu'or partout, du cimier aux talons. L'or des cuissards...
19ème siècle, Jules Barbey d'Aurevilly, Poèmes
À Léon Ostrowski. C'était un fier oiseau, farouche et solitaire, Au bec crochu d'or pâle, aux pieds d'ambre, à l'œil clair, Arraché tout vivant au rocher, son repaire, Aux flots verts, à la nue, aux brisans, au grand air ! Ils l'avaient pris dans un de ces jours de...
19ème siècle, Jules Barbey d'Aurevilly, Poèmes
À M. B. Vous les connaissez bien ces amants des clairières, Ces spectres, revenant, de la tombe transis, Sous la lune bleuâtre et ses pâles lumières… Ils dansent dans les cimetières, Mais dans mon cœur, ils sont assis. Ils sont là, tous, assis avec mélancolie, Dans...
19ème siècle, Jules Barbey d'Aurevilly, Poèmes
Oh ! comme tu vieillis ! tu n'en es pas moins belle ; Ton front au poids des ans refuse de fléchir. La rose de ta lèvre est peut-être éternelle, Puisque pleurs ni baisers, rien n'a pu la flétrir ! Oh ! comme tu vieillis ! Je te retrouve toute, Comme autrefois, — après...
19ème siècle, Jules Barbey d'Aurevilly, Poèmes
À Armance. Saigne, saigne, mon cœur… saigne ! je veux sourire. Ton sang teindra ma lèvre et je cacherai mieux Dans sa couleur de pourpre et dans ses plis joyeux La torture qui me déchire. Saigne, saigne, mon cœur, saigne plus lentement ! Prends garde ! on...
19ème siècle, Jules Barbey d'Aurevilly, Poèmes
Si j'avais, sous ma mantille, Cet œil gris de lin, Et cette svelte cheville Dans mon svelte brodequin ; Si j'avais ta morbidesse, Tes cheveux dorés, Retombant en double tresse Jusque sur mes reins cambrés ! Si j'avais, ô ma pensée, Dans mon corset blanc, Ta blonde...
19ème siècle, Jules Barbey d'Aurevilly, Poèmes
Si tu pleures jamais, que ce soit en silence ; Si l'on te voit pleurer, essuie au moins tes pleurs ! Car tu ne peux trouver au fond de ta souffrance Le calme fier qui naît des injustes douleurs. Non ! tu ne le peux pas. Si ta vie est brisée, Qui me brisa le cœur où tu...
19ème siècle, Jules Barbey d'Aurevilly, Poèmes
À Armance. Vous voulez donc que sur la blanche page, Fruits d'un arbre flétri, soient écrits quelques vers ? Oh ! pourquoi votre cœur n'a-t-il pas pour image Ces candides feuillets à mes regrets ouverts ! J'essaierais d'y tracer peut-être avec délices Le doux mot...
19ème siècle, Jules Barbey d'Aurevilly, Poèmes
Tête pâle de ma Chimère Dont j'ai, sans la comprendre, adoré la pâleur, Tu joins donc maintenant à ce premier mystère, Le mystère de ta rougeur ! Le vermillon soudain qui te prend au visage, Quand, ce visage aimé, tu le tournes vers moi, Est trop brûlant, trop noir,...
19ème siècle, Jules Barbey d'Aurevilly, Poèmes
Tu t'en vas, — ce n'est pas ta faute. Tu le crois ton Destin. Il part, et tu le suis… Le cœur navré, dont un jour tu fus l'hôte, Sait trop que ce n'est pas ta faute Et te pardonne, si tu fuis. Va ! je sais trop comme s'achève Le rêve que les cœurs épris font ici-bas....
19ème siècle, Jules Barbey d'Aurevilly, Poèmes
À la comtesse de P… Seulement ! … Si mon cœur faisait ses mémoires Je crois que j'y mettrais ceci : « Elle avait des dentelles noires « Avec un jupon cramoisi. » C'était ravissant ! — Les donzelles De ce soir et de ce salon, Se pâmaient devant ces dentelles… Mais,...
19ème siècle, Jules Barbey d'Aurevilly, Poèmes
À qui rêves-tu si tu rêves, Front bombé que j'adore et voudrais entr'ouvrir, Entr'ouvrir d'un baiser pénétrant comme un glaive, Pour voir si c'est à moi, — que tu fais tant souffrir ! O front idolâtré, mais fermé, — noir mystère, Plus noir que ces yeux noirs qui font...
19ème siècle, Jules Barbey d'Aurevilly, Poèmes
En lui envoyant la Bague d'Annibal Poète de cape et d'épée À qui n'a jamais résisté Ni la Muse ni la Beauté, Ni la Grâce désoccupée, Thaumaturge d'amour, qui peux d'une poupée Faire un démon de volupté ! Tu redemandes cette histoire Qu'aux temps si fous de mon passé...
19ème siècle, Jules Barbey d'Aurevilly, Poèmes
Je pris pour maître, un jour, une rude Maîtresse, Plus fauve qu'un jaguar, plus rousse qu'un lion ! Je l'aimais ardemment, - âprement, - sans tendresse, Avec possession plus qu'adoration ! C'était ma rage, à moi ! la dernière folie Qui saisit, - quand, touché par...
19ème siècle, Jules Barbey d'Aurevilly, Poèmes
Débouclez-les, vos longs cheveux de soie, Passez vos mains sur leurs touffes d'anneaux, Qui, réunis, empêchent qu'on ne voie Vos longs cils bruns qui font vos yeux si beaux ! Lissez-les bien, puisque toutes pareilles Négligemment deux boucles retombant Roulent autour...
19ème siècle, Jules Barbey d'Aurevilly, Poèmes
Oh ! pourquoi voyager ? as-tu dit. C'est que l'âme Se prend de longs ennuis et partout et toujours ; C'est qu'il est un désir, ardent comme une flamme, Qui, nos amours éteints, survit à nos amours ! C'est qu'on est mal ici ! - Comme les hirondelles, Un vague instinct...
19ème siècle, Jules Barbey d'Aurevilly, Poèmes
A Armance. Eh quoi ! vous vous plaignez, vous aussi, de la vie ! Vous avez des douleurs, des ennuis, des dégoûts ! Un dard sans force aux yeux, sur la lèvre une lie, Et du mépris au cœur ! - Hélas ! c'est comme nous ! Lie aux lèvres ? - poison, reste brûlant du verre...
19ème siècle, Jules Barbey d'Aurevilly, Poèmes
A Clary. Tu ne sais pas, Clary, quand, heureuse, ravie, Tu me tends ton épaule et ton front tour à tour, Que dans la double coupe où je puise la vie Il est un autre goût que celui de l'amour... Ô ma chère Clary, tu ne sais pas sans doute Qu'il est derrière nous un...
19ème siècle, Jules Barbey d'Aurevilly, Poèmes
A la baronne H. de B. Nénuphars blancs, ô lys des eaux limpides, Neige montant du fond de leur azur, Qui, sommeillant sur vos tiges humides, Avez besoin, pour dormir, d'un lit pur ; Fleurs de pudeur, oui ! vous êtes trop fières Pour vous laisser cueillir... et vivre...
19ème siècle, Jules Barbey d'Aurevilly, Poèmes
Je vivais sans cœur, tu vivais sans flamme, Incomplets, mais faits pour un sort plus beau ; Tu pris de mes sens, - je pris de ton âme, Et tous deux ainsi nous nous partageâmes : Mais c'est toi qui fis le meilleur cadeau ! Oui ! c'est toi, merci... C'est toi, sainte...
19ème siècle, Jules Barbey d'Aurevilly, Poèmes
A Clara. Oh ! les yeux adorés ne sont pas ceux qui virent Qu'on les aimait, - alors qu'on en mourait tout bas ! Les rêves les plus doux ne sont pas ceux que firent Deux êtres, cœur à cœur et les bras dans les bras ! Les bonheurs les plus chers à notre âme assouvie Ne...
19ème siècle, Jules Barbey d'Aurevilly, Poèmes
Elle avait dix-neuf ans. Moi, treize. Elle était belle ; Moi, laid. Indifférente, - et moi je me tuais... Rêveur sombre et brûlant, je me tuais pour elle. Timide, concentré, fou, je m'exténuais... Mes yeux noirs et battus faisaient peur à ma mère ; Mon pâle front...
19ème siècle, Jules Barbey d'Aurevilly, Poèmes
C'était dans la ville adorée, Sarcophage pour moi des premiers souvenirs, Où tout enfant j'avais, en mon âme enivrée, Rêvé ces bonheurs fous qui restent des désirs ! C'était là... qu'une après-midi, dans une rue, Dont un soleil d'août, de sa lumière drue, Frappait le...
19ème siècle, Jules Barbey d'Aurevilly, Poèmes
A Mademoiselle Marthe Brandès. Te souviens-tu du soir, où près de la fenêtre Ouverte d'un salon plein de joyeux ébats, Tu n'avais pas seize ans... les avais-tu ?... Peut-être ? Sous le rideau tombé, nous nous parlions tout bas ?... Ce n'était pas l'amour que...
19ème siècle, Jules Barbey d'Aurevilly, Poèmes
A Mademoiselle Louise Read. Un soir, j'étais debout, auprès d'une fenêtre... Contre la vitre en feu j'avais mon front songeur, Et je voyais, là-bas, lentement disparaître Un soleil embrumé qui mourait sans splendeur ! C'était un vieux soleil des derniers soirs...