Hemrick, le Veuf - Léon Dierx

I Un amas orageux charge les horizons Des gorges de Carnac aux sauvages gazons  ; Aux vieux troncs crevassés de profondes gerçures  ; Aux grands dolmens rangés dans la brume, tout droits  ; Aux flaques rougissant sur les bords par endroits, Où, comme un assassin...

In Extremis - Léon Dierx

Son nom  ? — Tu veux savoir s'il fut illustre ou non  ? Eh bien, je ne sais pas  ! Que peut te faire un nom  ! Personne sur son front n'inscrit le nom qu'il porte  ! C'était un homme, avec un nom. Mais que t'importe  ? — Sa race  ? — Laissons là, crois-moi, tous ses...

L'Épreuve - Léon Dierx

L'Invisible, celui qui règne dans les cieux, Assembla ses enfants pour lui chanter sa gloire  ; Et Satan était là, qui se dressait près d'eux. Et le Très-haut lui dit  : «  D'où viens-tu  ? — mon histoire Est vieille, répondit l'adversaire  : j'ai fait Tout le tour de...

La Fée Hamonde - Léon Dierx

Près du Gange ou du Nil, de la Seine ou du Rhin, La fée Hamonde habite un palais souterrain Creusé dans les trésors d'une insondable mine, Et que leur seul éclat de tout temps illumine. Le regard de la fée a poli les parois Qui sont des métaux purs à rendre fous les...

La Prophétie - Léon Dierx

I Nour-Eddour, le voyant de l'avenir, un soir, Comme il avait coutume, était venu s'asseoir Au seuil de son logis, en face du Bosphore. Tout au fond d'une extase où l'esprit s'évapore, Dans l'ombre, sur un tertre accroupi, fixement Il regardait un astre au fond du...

Soleil couchant - Léon Dierx

Aux bords retentissants des plages écumeuses Pleines de longs soupirs mêlés de lourds sanglots, Sous le déroulement monotone des flots  ; Près des gouffres remplis des falaises brumeuses  ; À l'heure où le soleil, ainsi qu'un roi cruel Qui veut parer de draps...

Souré-Ha - Léon Dierx

I Le dieu, source de vie et de chaleur féconde, Qui déverse à flots d'or ses bienfaits sur le monde, Le grand Phré, brûle. Il tend son disque au haut des cieux. Le zénith embrasé s'environne de flamme. Le Nil, père des eaux, reluit comme une lame, épanchant son limon...

Stella Vespera - Léon Dierx

I L'image de Florence en moi s'était dressée Ce soir-là. De nouveau, j'y suivais en pensée Les pas silencieux de Stella Vespera. Sœur des merveilles d'art qu'un beau siècle inspira, Elle m'avait charmé comme un pur marbre antique, Et me hantait depuis, fantôme...

Crépuscule - Léon Dierx

C'était le soir, à l'heure où, s'étirant les bras, Le laboureur se dit  : «  Ma journée est finie  !   » Une ombre sur les champs roulait son harmonie. Les chansons se mêlaient aux jurements ingrats. L'hirondelle penchée effleurait l'herbe grise  ; La cigale dormait...

Dolorosa Mater - Léon Dierx

À Octave Mirbeau. Quand le rêveur en proie aux chagrins qu'il ravive, Pour fuir l'homme et la vie, et lui-même à la fois, Rafraîchissant sa tempe au bruit des cours d'eau vive, S'en va par les prés verts, par les monts, par les bois ; Il refoule bien loin la pensée...

Jamais - Léon Dierx

À Frédéric Plessis. « Amour ! Dans tous les temps des hommes t'ont chanté ! Inventeurs d'un mensonge, ils auront tous porté Le cercle ardent qui reste aux martyrs, et la gloire D'avoir su faire un dieu de toi, forme illusoire ! » Comme en son souterrain, tel, encor ce...

La Chanson de Mâhall - Léon Dierx

C'est un soir calme  ; un souffle aux aromes subtils Vanne de fleurs en fleurs, et du parc aux collines, Le pollen qu'il dépose aux pointes des pistils  ; Un soir d'été serein, aux étoiles câlines. La lune magnétique arrose les halliers  ; Et dans l'herbe, pareils à...

La Révélation De Jubal - Léon Dierx

À mon ami Émile Bellier. I Hommes des jours tardifs en germe dans le temps ! Sous l'amoncellement des siècles, dont l'écume Vous rongera plus tard aux froideurs de la brume Où vont s'évanouir les peuples haletants, Ô vous, qui trouverez ceci ! Races futures ! Hommes...

La Ruine - Léon Dierx

À Auguste Villiers de L'Isle-Adam. L'esprit mystérieux au vague ou bref chemin Qui par moments nous prête un regard surhumain, Le rêve, m'a montré ce que n'a vu personne : C'était, sous un air lourd qui jamais ne frissonne, Un continent couvert d'arbres pétrifiés, Si...

Le Rendez-vous - Léon Dierx

À Michel Baronnet. Bâti par des mains inconnues, Un féerique palais, longtemps, Ouvre au vent frais des avenues Ses fenêtres à deux battants. À chaque porte, en grand costume, Sonnant du cor sur l'escalier, Un page, selon la coutume, Vante le seuil hospitalier. Le...

Le Rêve de la Mort - Léon Dierx

I Un ange sur mon front déploya sa grande aile  ; Une ombre lentement descendit vers mes yeux  ; Et sur chaque paupière un doigt impérieux Vint alourdir la nuit plus épaisse autour d'elle. Un ange lentement déploya sa grande aile, Et sous ses doigts de plomb...

Le Survivant - Léon Dierx

Je sors des bois. Je rentre en ma vie. O prisons De nos songes  ! Combats ou pleurs que nous taisons  ! Le jour tombe. Le bleu du ciel pâlit. C'est l'heure Tranquille. – Un souffle  ; un seul. – Souffle étrange  ! – Il m'effleure Et s'éteint. – Je soupire et pense à...

Les Filaos - Léon Dierx

À Théodore De Banville. Là-bas, au flanc d'un mont couronné par la brume, Entre deux noirs ravins roulant leurs frais échos, Sous l'ondulation de l'air chaud qui s'allume Monte un bois toujours vert de sombres filaos. Pareil au bruit lointain de la mer sur les sables,...

Les Yeux de Nyssia - Léon Dierx

Je suivais dans les bois la fille aux cils soyeux. Non loin d'un petit lac dormant nous nous assîmes  ; Tout se taisait dans l'herbe et sous les hautes cimes. Nyssia regardait le lac silencieux  ; Moi, le fond de ses yeux. - «  Sources claires des bois  ! dit Nyssia ...

Marche Funèbre (Chœur Des Derniers Hommes) - Léon Dierx

Les temps sont arrivés, des vieilles prophéties  ! Ils sont venus, les jours d'universelle horreur  ! Les ombres du néant, d'heure en heure épaissies, S'allongent sur nos fronts écrasés de terreur. Nous les vivons, les jours d'agonie et de râle  ! À l'orient, jamais...