19ème siècle, Louis Ménard, Poèmes
À Théodore de Banville. Je déclare, soutiens, certifie et proclame Envers et contre tous, maintenant et toujours, Qu'il n'est pas d'être au monde heureux comme la femme. Pour elle nos respects, nos égards, nos amours, On la fête, on lui fait des jours d'or et de soie,...
19ème siècle, Louis Ménard, Poèmes
C'était un soir d'été : de grands nuages sombres Couraient sous le ciel lourd ; pas un souffle dans l'air, Les vieux arbres du cloître épaississaient leurs ombres ; La monotone voix des vagues de la mer Vers le ciel orageux s'exhalait par bouffées, Comme un lugubre...
19ème siècle, Louis Ménard, Poèmes
I Petite Christel, dirent les colombes, D'où vient ce matin le deuil où tu tombes, Quand l'été sourit à la plaine en fleur ? — Oui, l'été sourit et les fleurs sont belles ; Mais j'ai, tourterelles, L'hiver dans mon cœur. Petite Christel, dirent ses amies, Tes peines...
19ème siècle, Louis Ménard, Poèmes
PROLOGUE. Aux royaumes du vide, où l'antique sibylle Conduisit par la main le héros de Virgile, S'étendent, près du Styx, les vagues profondeurs Du séjour sans soleil qu'on nomme Champ des pleurs. Là, sous un bois de myrte, eu des routes discrètes, Ceux que l'amour...
19ème siècle, Louis Ménard, Poèmes
De l'antre de la nuit sortait la blonde aurore ; La lutte de l'hiver et du joyeux printemps Aux grands échos du ciel retentissait encore Devant les jeunes Dieux fuyaient les vieux Titans. Du limon fécondé par de chaudes haleines La race des Héros naissait sur les...
19ème siècle, Louis Ménard, Poèmes
PROMÉTHÉE. Les astres d'or, roulant aux éternelles sphères, Achèvent lentement leur cours silencieux ; L'encens et la rumeur des plaintives prières Ont cessé de monter vers le tyran des cieux. Je veille seul : il n'est pour moi ni nuit ni rêve, Et l'immortel vautour...
19ème siècle, Louis Ménard, Poèmes
Quand il eut achevé sa blanche Galatée Que nul regard humain après lui ne verra, Pygmalion, rêveur, à genoux adora Sa pensée immortelle en marbre pur sculptée. Car du corps de la nymphe, avec l'aide des dieux, Il avait fait tomber l'enveloppe de marbre, Pareil au...
19ème siècle, Louis Ménard, Poèmes
J'ai lu, je ne sais où, la légende amoureuse De Raymond Lulle : on dit qu'un jour il rencontra Une femme fort belle, et l'amour pénétra Dans son cœur calme, et vint troubler sa vie heureuse. Il quitta, comme Faust, la route ténébreuse De l'austère science, et son...
19ème siècle, Louis Ménard, Poèmes
(Ces ïambes ont été écrits après l'insurrection de Juin 1848, Dans la colère de la défaite et le fol espoir d'une revanche. S'ils étaient restés inédits, je les aurais détruits après l'amnistie, car ce mot implique l'oubli réciproque. Mais Karl Marx, à qui je les...
19ème siècle, Louis Ménard, Poèmes
(Ces vers sont tirés du Prologue d'une Révolution, ouvrage où j'ai raconté les fusillades de prisonniers en juin 1848. J'avais fait une enquête sur ces exécutions sommaires, que j'appelais des assassinats, car je ne connaissais pas encore les euphémismes de notre...
19ème siècle, Louis Ménard, Poèmes
Douce comme un rayon de lune, un son de lyre, Pour dompter les plus forts, elle n'a qu'à sourire. Les magiques lueurs de ses yeux caressants Versent l'ardente extase à tout ce qui respire. Les grands ours, les lions fauves et rugissants Lèchent ses pieds d'ivoire ; un...
19ème siècle, Louis Ménard, Poèmes
L'universel désir guette comme une proie Le troupeau des vivants ; tous viennent tour à tour À sa flamme brûler leurs ailes, comme, autour D'une lampe, l'essaim des phalènes tournoie. Heureux qui sans regret, sans espoir, sans amour, Tranquille et connaissant le fond...
19ème siècle, Louis Ménard, Poèmes
Les peuples vieillis ont besoin d’un maître ; Ce n’est plus en eux qu’ils cherchent la loi. Dans un autre siècle il m’eut fallu naître : Il n’est point ici de place pour moi. L’idéal qu’avait rêvé ma jeunesse, L’étoile où montaient mes espoirs perdus, Ce n’était pas...
19ème siècle, Louis Ménard, Poèmes
Le temple idéal où vont mes prières Renferme tous les dieux que le monde a connus. Évoqués à la fois de tous les sanctuaires, Anciens et nouveaux, tous ils sont venus ; Les dieux qu'enfanta la nuit primitive Avant le premier jour de la création, Ceux qu'adore, en ses...
19ème siècle, Louis Ménard, Poèmes
J’ai cru qu’on m’enfermait au couvent : c’est un rêve ! Je suis morte, il est mort aussi : je bénis Dieu ! Là-bas, sur sa tombe une ombre se lève : Viens, mon bien-aimé, viens me dire adieu. — J’ai cru qu’on m’enchaînait dans la tour, sur la pierre, Seul, loin d’elle...
19ème siècle, Louis Ménard, Poèmes
C'est une pauvre vieille, humble, le dos voûté. Autrefois on l'aimait, on s'est tué pour elle. Qui sait ? Peut-être un jour tu seras regretté De celle qui dit non, maintenant qu'elle est belle. Elle aussi vieillira, puis l'ombre universelle La noîra, comme toi, dans...
19ème siècle, Louis Ménard, Poèmes
Au sommet de l'Etna, debout près du cratère, Comme Héraclès devant le bûcher de l'Oeta, Embrassant du regard l'Océan et la terre, Empédocle adora la nature et chanta : Miroir de l'Infini, flots de la mer divine, Gouffre inviolé, grand horizon bleu ! Lampes du ciel...
19ème siècle, Louis Ménard, Poèmes
Le matin souriait, humide de rosée ; Du haut du ciel pâle un brouillard changeant Etendait sur le lac et la plaine arrosée Son voile onduleux aux lueurs d’argent. Le soleil s’éveillait sous les nuages roses, Et, dans chaque perle où son disque luit, Au calice...
19ème siècle, Louis Ménard, Poèmes
Je sais que toute joie est une illusion, Qu'il faut que tout se paye et que tout se compense, Et je devrais bénir la dure providence Qui m'impose l'épreuve ou l'expiation. Les stériles regrets, la menteuse espérance N'atteignent pas la pure et calme région Où le sage...
19ème siècle, Louis Ménard, Poèmes
Sois fort, tu seras libre ; accepte la souffrance Qui grandit ton courage et t'épure ; sois roi Du monde intérieur, et suis ta conscience, Cet infaillible dieu que chacun porte en soi. Espères-tu que ceux qui, par leur providence Guident les sphères d'or, vont violer...
19ème siècle, Louis Ménard, Poèmes
J'ai souvent répété les paroles des sages, Que tout bonheur humain se paye et qu'il vaut mieux, Libre et fort, dans la paix immobile des dieux, Voir la vie à ses pieds, du bord calme des plages. Mais maintenant, l'abîme a fasciné mes yeux ; Je voudrais, comme Icare,...
19ème siècle, Louis Ménard, Poèmes
Quand notre dernier rêve est à jamais parti, Il est une heure dure à traverser ; c'est l'heure Où ceux pour qui la vie est mauvaise ont senti Qu'il faut bien qu'à son tour chaque illusion meure. Ils se disent alors que la part la meilleure Est celle de l'ascète au...
19ème siècle, Louis Ménard, Poèmes
Du haut du ciel profond, vers le monde agité, S'abaissent les regards des âmes éternelles : Elles sentent monter de la terre vers elles L'ivresse de la vie et de la volupté ; Les effluves d'en bas leur dessèchent les ailes, Et, tombant de l'éther et du cercle lacté,...
19ème siècle, Louis Ménard, Poèmes
Je suis initié, je connais le mystère De la vie : une arène où l'immortalité Est le prix de la lutte, et je m'y suis jeté Librement, voulant naître et vivre sur la terre. Les héros demi-dieux ont souffert et lutté Pour conquérir au ciel leur place héréditaire : Que la...
19ème siècle, Louis Ménard, Poèmes
Je ne voudrais rien des choses possibles ; Il n'est rien à mes yeux qui mérite un désir. Mon ciel est plus loin que les cieux visibles, Et mon cœur est plus mort que le cœur d'un fakir. Je ne puis aimer les femmes réelles : L'idéal entre nous ouvre ses profondeurs....
19ème siècle, Louis Ménard, Poèmes
Par-dessus tous les Dieux du ciel et de la terre J’adore ton pouvoir immuable indompté, Déesse des vieux jours, morne Fatalité. Ce pouvoir implacable, aveugle et solitaire Écrase mon orgueil et ma force, et je vois Que l’on décline en vain tes inflexibles lois. Les...
19ème siècle, Louis Ménard, Poèmes
La vie appelle à soi la foule haletante Des germes animés ; sous le clair firmament Ils se pressent, et tous boivent avidement À la coupe magique où le désir fermente. Ils savent que l'ivresse est courte ; à tout moment Retentissent des cris d'horreur et d'épouvante,...
19ème siècle, Louis Ménard, Poèmes
Dans la sphère du nombre et de la différence, Enchaînés à la vie, il faut que nous montions, Par l'échelle sans fin des transmigrations, Tous les degrés de l'être et de l'intelligence. Grâce, ô vie infinie, assez d'illusions ! Depuis l'éternité ce rêve recommence....
19ème siècle, Louis Ménard, Poèmes
Plus fraîche qu'un parfum d'avril après l'hiver, L'espérance bénie arrive et nous enlace, La menteuse éternelle, avec son rire clair Et ses folles chansons qui s'égrènent dans l'air. Mais comme on voit, la nuit, sous le flot noir qui passe Glisser les pâles feux des...
19ème siècle, Louis Ménard, Poèmes
ENDYMION. Dans la mer d’Hespérie aux vagues empourprées Hélios éteint ses flammes sacrées. Pan, le divin pasteur, de sa flûte aux sept voix Apaise lentement l’harmonieuse plainte, Et, sous les dômes verts des antres d’Aracinthe, S’endorment on paix les grands cerfs...
19ème siècle, Louis Ménard, Poèmes
J’ai lu, je ne sais où, la légende amoureuse De Raymond Lulle. On dit qu’un jour il rencontra Une femme fort belle, et l’amour pénétra Dans son cœur calme et vint troubler sa vie heureuse. Il quitta, comme Faust, la route ténébreuse De l’austère science, et son amour...
19ème siècle, Louis Ménard, Poèmes
Quand la faux de Kronos rendit le ciel stérile, Le sang du grand ancêtre et sa fécondité Répandirent dans l’onde une écume subtile D’où sortit corne un lis la blanche Aphroditè. Alors le ciel sourit, et dans l’éther immense, Des Dieux et des Titans monta l’hymne...
19ème siècle, Louis Ménard, Poèmes
Le découragement, la fatigue et l'ennui Me saisissent, devant l'implacable puissance Des choses ; loi, destin, hasard ou providence, Quelqu'un m'écrase, et moi, je ne puis rien sur lui. Peut-être les démons de ceux à qui j'ai nui Autrefois, quelque part, dans une...
19ème siècle, Louis Ménard, Poèmes
L’açoka grandit dans la forêt sombre. Caressez l’açoka, fraîches brises du soir. Les fleurs de l’açoka naîtront, quand sous son ombre La vierge viendra rêver et s’asseoir. Mais en vain la brise et le soleil rose Voudraient sous leurs baisers les faire épanouir : Si...