16ème siècle, Poèmes, Pontus de Tyard
La haute Idée à mon univers mère, Si hautement de nul jamais comprise, M'est à présent ténébreuse Chimère. Le tout, d'où fut toute ma forme prise, Plus de mon tout, de mon tout exemplaire, M'est simplement une vaine feintise. Ce qui soulait mon imparfait parfaire Par...
16ème siècle, Poèmes, Pontus de Tyard
Quand le désir de ma haute pensée, Me fait voguer en mer de ta beauté, Espoir du fruit de ma grand' loyauté, Tient voile large à mon désir haussée. Mais cette voile ainsi en l'air dressée, Pour me conduire au port de privauté, Trouve en chemin un flot de cruauté,...
16ème siècle, Poèmes, Pontus de Tyard
Quel Dieu grava cette majesté douce En ce gai port d'une prompte allégresse ? De quel lis est, mais de quelle déesse Cette beauté qui les autres détrousse ? Quelle Sirène hors du sein ce chant pousse, Qui décevrait le caut Prince de Grèce ? Quels sont ces yeux mais...
16ème siècle, Poèmes, Pontus de Tyard
Quand près de toi le travail je repose, Seule en ce monde image de merveille, Du long souci, qui mon penser réveille, Et qu'Amour dicte au parler quelque chose, Je vois ta face en teint naïf de rose, Être à la blanche, ou la rouge pareille, Ore pâlir, puis devenir...
16ème siècle, Poèmes, Pontus de Tyard
Narcisse aime sa sœur, sa chère sœur jumelle, Sa sœur aussi pour lui brûle d'ardeur extrême ; L'un en l'autre se sent être un second soi-même : Ce qu'elle veut pour lui, il veut aussi pour elle. De semblable beauté est cette couple belle, Et semblable est le feu qui...
16ème siècle, Poèmes, Pontus de Tyard
Mon âme est en vos mains heureusement étreinte Du plus gracieux nœud qu'oncq' beauté n'enlaça ; Une plus douce flèche oncques cœur ne blessa Que celle qui par vous dedans mon sang est teinte ; Plus docte poésie en votre esprit est peinte Qu'oncques sur Iélicon Apollon...
16ème siècle, Poèmes, Pontus de Tyard
A peine avait seize ans, de la belle Vénus Et du Cyllénien la jeune et chère race, Quand, au temps que Phébus son plus long chemin trace, Dans un fleuve il voulut baigner ses membres nus. Mes souhaits, dit Salmace, ore sont advenus. Ce disant, elle court, entre en...
16ème siècle, Poèmes, Pontus de Tyard
Fortune enfin piteuse à mon tourment, Me fit revoir le soleil de mes yeux, Alors qu'Amour me traitant encor mieux, Me fit jouir de mon contentement. Ô jour heureux, éclairci clairement, De mon soleil ! ô soleil gracieux, Saint, et luisant plus que celui des cieux !...
16ème siècle, Poèmes, Pontus de Tyard
J'ai tant crié, ô douce Mort, renverse Avec ce corps mon grief tourment sous terre, Que je me sens presque finir la guerre De l'espérance à mon désir diverse. Vois, Dame, vois, que les pleurs que je verse, Et les soupirs ardents, que je déserre Hors de mon cœur, et le...
16ème siècle, Poèmes, Pontus de Tyard
Je fumais tout en mon fort soupirer, Si chaudement, que le froid de son cœur Se distilla ; et l'ardente vigueur Lui fit d'Amour un soupir respirer. Mes yeux aussi, coutumiers d'attirer A leurs ruisseaux tant de triste liqueur, Amollissaient toute dure rigueur, Dont me...
16ème siècle, Poèmes, Pontus de Tyard
Je mesurais pas à pas, et la plaine, Et l'infini de votre cruauté, Et l'obstiné de ma grand' loyauté Et votre foi fragile et incertaine. Je mesurais votre douceur hautaine, Votre angélique et divine beauté, Et mon désir trop hautement monté, Et mon ardeur, votre glace...
16ème siècle, Poèmes, Pontus de Tyard
L'ardent désir, qui d'espérer m'abuse, Si bien la voie au penser d'Amour montre, Que bien souvent devant moi je rencontre Celle pour qui tant, et tant de pas j'use. Mais quand ma douce, et cruelle Méduse Fait à mes yeux de soi si belle montre, L'esprit vital,...
16ème siècle, Poèmes, Pontus de Tyard
O calme nuit, qui doucement compose En ma faveur l'ombre mieux animee Qu'onque Morphee en sa sale enfumee Peingnit du rien de ses Metamorphoses ! Combien heureus les œillets et les roses Ceingnoient le bras de mon ame espamee, Affriandant une langue affamee Du Paradis...
16ème siècle, Poèmes, Pontus de Tyard
A cet anneau parfait en forme ronde, Ensemble et toi, et moi, je parangonne. La foi le clôt : la foi ne m'abandonne. Son teint est d'or : moins que l'or tu n'es blonde. S'il est semé de larmes : trop abonde L'humeur en moi, qui proie au deuil me donne. Si un écrit au...
16ème siècle, Poèmes, Pontus de Tyard
Oeil éloigné du Jour, qui te recrée, Comme, en l'obscur d'une nuée épaisse Peux-tu tirer une si vive espèce D'un corps, non corps, qui vainement se crée ? Cœur martelé, quelle Éride est entrée Dedans ton fort ? quelle pâle crainte est-ce, Qui d'engendrer ta ruine te...
16ème siècle, Poèmes, Pontus de Tyard
Après qu'Amour par trop mortelle atteinte M'eut fait au cœur une plaie piteuse, Et qu'il connut que sa flamme amoureuse Etait en moi bien ardemment empreinte : Il retira sa flèche en mon sang teinte, Laissant en moi son humeur venimeuse : Mais ma maîstresse (hélas)...
16ème siècle, Poèmes, Pontus de Tyard
Pere divin, sapience eternelle, Commencement et fin de toute chose, Ou en pourtrait indeleble repose De l'Univers l'Idee universelle. Voy de tes Raiz la plus belle estincelle Qui soit ça-bas en corps humain enclose, Que la trop fiere, impiteuse Parque ose Tirer du...
16ème siècle, Poèmes, Pontus de Tyard
Au premier trait, que mon œil rencontra Des moins parfaits de sa perfection, La plus grand part de ma dévotion Soudainement en elle idolâtra. Mais quand le son de sa voix pénétra Dans mon ouïr, l'imagination Ravissant haut ma contemplation, Au plus parfait de son...
16ème siècle, Poèmes, Pontus de Tyard
Père du doux repos, Sommeil, père du Songe, Maintenant que la nuit, d'une grande ombre obscure, Fait à cet air serein humide couverture, Viens, Sommeil désiré et dans mes yeux te plonges. Ton absence, Sommeil, languissamment allonge Et me fait plus sentir la peine que...
16ème siècle, Poèmes, Pontus de Tyard
Bien que Fortune en haut degré te range Dessus sa roue, et combien que Nature Pour t'embellir sur toute créature, Te fasse luire en cette beauté d'Ange, Si ne dois-tu dépriser la louange Que tu reçois de moi, car l'écriture, Plus que beauté mortelle, beaucoup dure :...
16ème siècle, Poèmes, Pontus de Tyard
Pourrai-je bien sans toi, ma chère guide Montrer ce jour face sereine et claire ? Mon œil qui luit seulement pour te plaire, Pourra il bien être de pluie vide ? Si le doux feu de tes rais ne me guide, Je suis certain de même ruine faire, Que fut jadis le jeune...
16ème siècle, Poèmes, Pontus de Tyard
Plus subtile œuvre tirée Ne fut onc de soie ou d'or Qu'est votre tresse dorée De beauté riche trésor Oncq' amour plus sûrement Ne tendit ses lacs ailleurs Pour s'y celer cautement Et surprendre mille cœurs. La belle douce lumière Qui luit dessous votre front Semble...
16ème siècle, Poèmes, Pontus de Tyard
Puisque je vois que mes afflictions Sont au plus haut degré de leur effort, Et que le Ciel conjuré à ma mort A tout malheur me guide, Regrets, soupirs, plaints, pleurs, et passions, Je vous lâche la bride. Je n'ai espoir que mon cri entendu Puisse adoucir la fière...
16ème siècle, Poèmes, Pontus de Tyard
Des yeux auxquels ainsi, qu'en un Trophée L'arc, et les traits d'Amour sont amassés : Des cheveux d'or, crêpés, et enlacés D'une coiffure en fin or étoffée Et de la main, qui rendait échauffée La volonté des fiers cœurs englacés : Et des doux mots doucement prononcés,...
16ème siècle, Poèmes, Pontus de Tyard
Quand elle vit à la Mort déployer L'impiteux trait pour son voisin occire, En permettant à la pitié d'élire Siège en son cœur, se prit à larmoyer. Et tant de traits, qu'Amour vint employer, Pour me contraindre en infini martyre Mourir toujours, n'ont jamais pu...