Je crois, Monsieur, que je ne dois point perdre de temps, pour vous informer d’une chose très curieuse et sur laquelle vous ne manquerez pas de faire bien des réflexions.
Nous avons, en ce pays, un savant nommé M. Wanden, qui a de grandes correspondances avec les antiquaires d’Italie.
Il prétend avoir reçu, par eux, une médaille antique, que je n’ai pu voir jusqu’ici, mais dont il a fait frapper des copies qui sont très bien faites et qui, se répandront bientôt, selon les apparences, dans tous les pays où il y a des curieux.
J’espère, que dans peu de jours, je vous en enverrai une.
En attendant, je vais vous en faire la plus exacte description que je pourrai.
D’un côté, cette médaille qui est fort grande, représente un enfant d’une figure très-belle et très-noble ; on voit Pallas qui le couvre de son égide, en même temps, les trois Grâces sèment son chemin de fleur ; Apollon, suivi des Muses, lui offre sa lyre ; Vénus paraît en l’air, dans son char attelé de colombes, qui laisse tomber sur lui, sa ceinture ; la Victoire lui montre d’une main, un char de triomphe et de l’autre, lui présente une couronne.
Les paroles sont prises d’Horace : Non sine dîs animosus infans.
Le revers est bien différent.
Il est manifeste que c’est le même enfant ; car on reconnaît d’abord le même air de tête ; mais, il n’a autour de lui, que des masques grotesques et hideux, des reptiles, venimeux comme des vipères et des serpents, des insectes, des hiboux, enfin, des Harpies sales, qui répandent de l’ordure de tous côtés et qui déchirent tout avec leurs ongles crochus.
Il y a une troupe de Satyres, impudents et moqueurs, qui font les postures les plus bizarres, qui rient et qui montrent du doigt la queue d’un poisson monstrueux, par où finit le corps de ce bel enfant.
Au bas, on lit ces paroles, qui comme vous savez, sont aussi d’Horace : Turpiter atrum desinit in piscem.
Les savants se donnent beaucoup de peine, pour découvrir en qu’elle occasion cette médaille a pu être frappée dans l’antiquité.
Quelques-uns soutiennent, qu’elle représente Caligula, qui, étant fils de Germanicus, avait donné dans son enfance, de hautes espérances pour le bonheur de l’empire, mais qui, dans la suite, devint un monstre.
D’autres veulent, que tout ceci ait été fait pour Néron, dont les commencements furent si heureux et la fin si horrible.
Les uns et les autres conviennent, qu’il s’agit d’un jeune prince éblouissant qui promettait beaucoup et dont toutes les espérances ont été trompeuses.
Mais il y en a d’autres, plus défiants, qui ne croient point que cette médaille soit antique.
Le mystère que fait M. Wanden pour cacher l’original, donne de grands soupçons.
On s’imagine voir quelque chose de notre temps figuré dans cette médaille : peut-être, signifie-t-elle de grandes espérances qui se tourneront en de grands malheurs : il semble, qu’on affecte de faire entrevoir, malignement, quelque jeune prince, dont on tâche de rabaisser toutes les bonnes qualités par des défauts qu’on lui impute.
D’ailleurs, M. Wanden n’est pas seulement curieux, il est encore politique, fort attaché au prince d’Orange, et on soupçonne que c’est d’intelligence avec lui qu’il veut répandre cette médaille dans toute les cours de l’Europe.
Vous jugerez bien mieux que moi, Monsieur, ce qu’il en faut croire.
Il me suffit de vous avoir fait part de cette nouvelle, qui fait raisonner ici, avec beaucoup de chaleur tous nos gens de lettres et de vous assurer, que je suis toujours, votre très-humble et très-obéissant serviteur.
BAYLE
Fénelon
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Johann - Poetica Mundi