I
Comme un fleuve s'est mis
À aimer son voyage
Un jour tu t'es trouvée
Dévêtue dans mes bras
Et je n'ai plus songé
Qu'à te couvrir de feuilles
De mains nues et de feuilles
Pour que tu n'aies point froid
Car t'aimais-je autrement
Qu'à travers tes eaux vives
Corps de femme un instant
Suspendu à mes doigts
Et pouvais-je poser
Sur tant de pierres chaudes
Un regard qui n'aurait
Été que du désir ?
Vierge tu réponds mieux
À l'obscure sentence
Que mon coeur fait peser
Doucement sur ton coeur
Et si j’ai le tourment
De ta métamorphose
C’est qu’il me faut aimer
Ton amour avant toi.
II
Je t'attendais ainsi qu'on attend les navires
Dans les années de sécheresse quand le blé
Ne monte pas plus haut qu'une oreille dans l'herbe
Qui écoute apeurée la grande voix du temps
Je t'attendais et tous les quais toutes les routes
Ont retenti du pas brûlant qui s'en allait
Vers toi que je portais déjà sur mes épaules
Comme une douce pluie qui ne sèche jamais
Tu ne remuais encor que par quelques paupières
Quelques pattes d'oiseaux dans les vitres gelées
Je ne voyais en toi que cette solitude
Qui posait ses deux mains de feuille sur mon cou
Et pourtant c'était toi dans le clair de ma vie
Ce grand tapage matinal qui m'éveillait
Tous mes oiseaux tous mes vaisseaux tous mes pays
Ces astres ces millions d'astres qui se levaient
Ah que tu parlais bien quand toutes les fenêtres
Pétillaient dans le soir ainsi qu'un vin nouveau
Quand les portes s'ouvraient sur des villes légères
Où nous allions tous deux enlacés par les rues
Tu venais de si loin derrière ton visage
Que je ne savais plus à chaque battement
Si mon cœur durerait jusqu'au temps de toi-même
Où tu serais en moi plus forte que mon sang.
III
Les chevaux de l'amour me parlent de rencontres
Qu'ils font en revenant par des chemins déserts
Une femme inconnue les arrête et les baigne
D'un regard douloureux tout chargé de forêts
Méfie-toi disent-ils sa tristesse est la nôtre
Et pour avoir aimé une telle douleur
Tu ne marcheras plus tête nue sous les branches
Sans savoir que le poids de la vie est sur toi
Mais je marche et je sais que tes mains me répondent
Ô femme dans le clair prétexte des bourgeons
Et que tu n'attends pas que les fibres se soudent
Pour amoureusement y graver nos prénoms
Tu roules sous tes doigts comme des pommes vertes
De soleil en soleil les joues grises du temps
Et poses sur les yeux fatigués des villages
La bonne taie d’un long sommeil de bois dormant
Montre tes seins que je voie vivre en pleine neige
La bête des glaciers qui porte sur le front
Le double anneau du jour et la douceur de n'être
Qu'une bête aux yeux doux dont on touche le fond
Telle tu m'apparais que mon amour figure
Un arbre descendu dans le chaud de l’été
Comme une tentation adorable qui dure
Le temps d’une seconde et d’une éternité.
IV
Derrière les rideaux et l'épaisseur du temps
Sans toi comme les nuits sont froides mon enfant
Le sommeil et la rue sont pleins de gens d'hôtel
Qui parlent haut et brisent tout quand je t'appelle
Et je t'appelle malgré tout et je sais bien
Que dans ces battements de cœur tu me reviens
Que tu recrées de douces mains à ton usage
Et que le vent léger rallume ton visage
Afin que je le voie dans l'épaisseur du temps
Comme une flamme toujours vive mon enfant.
René Guy Cadou
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