Rire étant si jolie, 
C’est mal. Ô trahison 
D’inspirer la folie, 
En gardant la raison !

Rire étant si charmante !
C’est coupable, à côté 
Des rêves, qu’on augmente 
Par son trop de beauté. 

Une chose peut-être 
Qui va vous étonner, 
C’est qu’à votre fenêtre 
Le vent vient frissonner, 

Qu’avril commence à luire, 
Que la mer s’aplanit, 
Et que cela veut dire :
Fauvette, fais ton nid. 

Belle aux chansons naïves, 
J’admets peu qu’on ait droit 
Aux prunelles très vives, 
Ayant le cœur très froid.

Quand on est si bien faite, 
On devrait se cacher. 
Un amant qu’on rejette, 
À quoi bon l’ébaucher ?

On se lasse, ô coquette, 
D’être toujours tremblant, 
Vous êtes la raquette, 
Et je suis le volant. 

Le coq battant de l’aile, 
Maître en son pachalick, 
Nous prévient qu’une belle 
Est un danger public. 

Il a raison. J’estime 
Qu’en leur gloire isolés, 
Deux beaux yeux sont un crime, 
Allumez, mais brûlez. 

Pourquoi ce vain manège ?
L’eau qu’échauffe le jour, 
La fleur perçant la neige, 
Le loup hurlant d’amour, 

L’astre que nos yeux guettent, 
Sont l’eau, la fleur, le loup, 
Et l’étoile, et n’y mettent 
Pas de façons du tout. 

Aimer est si facile 
Que, sans cœur, tout est dit, 
L’homme est un imbécile, 
La femme est un bandit.

L’œillade est une dette. 
L’insolvabilité, 
Volontaire, complète 
Ce monstre, la beauté. 

Craindre ceux qu’on captive !
Nous fuir et nous lier !
Être la sensitive 
Et le mancenillier !

C’est trop. Aimez, madame. 
Quoi donc ! quoi ! mon souhait 
Où j’ai tout mis, mon âme 
Et mes rêves, me hait !

L’amour nous vise. Certe, 
Notre effroi peut crier, 
Mais rien ne déconcerte 
Cet arbalétrier. 

Sachez donc, ô rebelle, 
Que souvent, trop vainqueur, 
Le regard d’une belle 
Ricoche sur son cœur. 

Vous pouvez être sûre 
Qu’un jour vous vous ferez 
Vous-même une blessure 
Que vous adorerez. 

Vous comprendrez l’extase 
Voisine du péché, 
Et que l’âme est un vase 
Toujours un peu penché.

Vous saurez, attendrie, 
Le charme de l’instant 
Terrible, où l’on s’écrie :
Ah ! vous m’en direz tant !

Vous saurez, vous qu’on gâte, 
Le destin tel qu’il est, 
Les pleurs, l’ombre, et la hâte 
De cacher un billet. 

Oui, — pourquoi tant remettre ? — 
Vous sentirez, qui sait ?
La douceur d’une lettre 
Que tiédit le corset. 

Vous riez ! votre joie 
À Tout préfère Rien. 
En vain l’aube rougeoie, 
En vain l’air chante. Eh bien,

Je ris aussi ! Tout passe. 
Ô muse, allons-nous-en. 
J’aperçois l’humble grâce 
D’un toit de paysan ;
 
L’arbre, libre volière, 
Est plein d’heureuses voix ;
Dans les pousses du lierre 
Le chevreau fait son choix ;
 
Et, jouant sous les treilles, 
Un petit villageois 
A pour pendants d’oreilles 
Deux cerises des bois.

Victor Hugo

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Johann - Poetica Mundi